N’AYONS PLUS PEUR DE PARLER !
Non, n’ayons plus peur de parler et d’affirmer nos valeurs dans le respect de notre liberté de penser et d’expression.
Voilà ce que j’aurais pu dire :
« Il y a des comportements qui n’ont pas leur place dans notre pays, non parce qu’ils sont étrangers, mais parce que nous ne les jugeons pas conformes à notre vision du monde, à celle, en particulier, de la dignité de la femme et de l’homme. Contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation. » [LE MONDE du 7 février 2012]
Mais c’est Claude GUEANT qui l’a dit samedi dernier devant le congrès de l’UNI (Union Nationale Inter-universitaire, liée à l’UMP), dans un discours engagé.
Cette phrase qui aurait pu rester dissimulée dans les arcanes d’un discours a permis à la gauche de s’indigner, allant même jusqu’à évoquer de manière outrancière, comme d’habitude aurait-on tendance à dire, le nazisme ou les camps de concentration dans sa dénonciation de ces propos.
Mais quel républicain pourrait renier ces propos ? Le panache de la gauche, ou de ses représentants, eut été de s’indigner que Claude GUEANT ait pu penser que pour elle toutes les civilisations se valaient.
Toutes les civilisations ne se valent pas, et cela dans le temps et dans l’espace. Tout d’abord dans le temps. Un certain nombre de droits ou de libertés étaient inconnues de civilisations anciennes jugées pourtant brillantes par nos sociétés contemporaines. De même, des civilisations reconnues comme de grande valeur ont eu des accidents de parcours si l’on peut dire, sur le plan religieux ou sur le plan de l’expression de totalitarismes niant les libertés individuelles premières. Enfin, dans l’espace, rappelons-nous que nous ne vivons pas dans une civilisation unique et homogène. De multiples formes de civilisations coexistent à travers le monde avec des échelles de valeurs différentes. Notre civilisation occidentale a pour ambition de porter un certain nombre de valeurs qui nous semblent être universelles mais qui n’apparaissent pas comme telles aux yeux de tous. Cela peut être le fait de civilisations s’appuyant sur des conceptions différentes de l’organisation de la société (sous forme de castes,…) ou de civilisations s’appuyant sur une interprétation différente faite par une religion dominante de certaines valeurs.
Tout cela mérite certes débat et notre monde confronté à une mondialisation qui porte aujourd’hui de plus en plus l’ensemble des conséquences liées à cette juxtaposition de valeurs parfois opposées entre elles, issues de civilisations originellement différentes, justifie complètement de clarifier les points de vue. Tout simplement parce que demain, sur le territoire sur lequel s’est développé notre civilisation occidentale, nous aurons à cœur de pouvoir partager les mêmes valeurs, sans doute avec une intensité différente pour chacun d’entre nous, mais pour poursuivre tout de même notre chemin harmonieusement ensemble.
Je crois qu’une élection présidentielle n’est certainement pas le seul moment de cette prise de conscience ou de cet échange, mais qu’il en est un particulièrement privilégié, surtout à notre époque encore une fois.
Le pire serait la négation de cette séquence démocratique par ceux qui se sont récemment illustrés par leur hostilité à l’encontre du débat sur la laïcité engagé par le gouvernement tout en ne s’interdisant pas, avec la plus grande hypocrisie qui soit, de mener eux-mêmes des débats annuels sur ce thème, en tout cas pour ce qui est du parti socialiste.
Merci en tout cas, grâce à cette polémique, de nous aider à choisir notre camp puisqu’il faudra bien en choisir un. Non, décidément, on ne peut pas rester dans un vide sidéral refusant de choisir entre ces deux conceptions de la démocratie, et donc, nous le constatons, de la perception de notre civilisation et des conditions de la coexistence des civilisations. La civilisation universelle peut-être un objectif, elle reste à ce stade une direction, mais je souhaite pour ma part que cette direction nous entraîne aujourd’hui sur un chemin auquel j’adhère.
Alors, n’ayons plus peur de parler.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 7 février 2012