« MAHOMET : HISTOIRE D’UN ARABE, INVENTION D’UN PROPHETE »
Lecteur rétif au débat, passez votre chemin, ce texte ne vous est pas adressé !
Croyant enfermé dans vos certitudes, évitez cette lecture qui pourrait heurter vos convictions !
Homme pressé s’abstenir, quelques minutes de votre temps sont ici nécessaires… !
Bien. Qui reste-t-il ? J’espère que nous sommes encore nombreux, en tout cas assez nombreux pour défendre cette liberté de pensée et d’expression si chèrement acquise et que tant de peuples nous envient à travers le monde.
Je voulais écrire depuis longtemps ces quelques réflexions sur Mahomet et l’Islam. La lecture du livre de Tilman NAGEL, « Mahomet – Histoire d’un arabe / Invention d’un prophète » m’en donne l’occasion. Je dois avouer qu’il vient renforcer mon corpus d’idées sur la question, fondé sur la lecture entre autre du livre de Martin LINGS, « Le prophète Muhammad – Sa vie d’après les sources les plus anciennes », mais aussi de celle du livre de Jacques BERQUE, « LE CORAN – Essai de traduction ».
Revenant à Tilman NAGEL, je partirai… de sa conclusion qui prend appui sur le livre de Fazlur RAHMAN (pakistanais), « Islam & modernity – Transformation of an intellectuel tradition » pour inciter les musulmans à s’engager sur la voie d’une interprétation du Coran orientée sur la vie de Mahomet et sur le contexte social et religieux dans lequel il a été actif. C’est-à-dire en recourant à une véritable exégèse au sens propre du mot pour tourner le dos à la thèse non réaliste, pourtant si largement répandue malheureusement, s’appuyant sur l’inventaire de règles régissant toutes choses et possédant une vérité supra-temporelle.
Je rajouterai à titre plus personnel que la liberté religieuse devrait avoir pour corollaire, de même force, la liberté de pratiquer ou non une religion. Car avant même de pouvoir discuter des fondements d’une religion ou de sa religion, il convient d’accorder la liberté à chacun de renoncer à la religion pratiquée majoritairement dans son pays, et je pense là au premier chef à la religion musulmane qui de ce point de vue est en attente d’une révolution pour permettre l’exercice d’une telle liberté.
On pourrait faire une sorte de parallèle avec la religion juive qui considère l’appartenance à cette religion de manière intrinsèque à ses liens familiaux, et plus spécifiquement à son ascendance maternelle - ce qui peut étonner tant une croyance religieuse ne devrait pas être censée se décréter mais bien se vivre par la foi - justifiée par l’essence de cette religion fondée sur l’appartenance à un peuple élu par Dieu. Qui dit peuple élu de Dieu - et c’est bien le seul peuple qui s’est engagé dans cette voie – évoque un caractère à la fois élitiste, mais aussi exclusif, ce qui a pu lui en coûter par le passé vis-à-vis des autres peuples se sentant exclus. Par conséquent, le peuple juif, de par son élection divine - son lien direct avec Dieu - transmet ce lien aux enfants, ce que l’on peut alors comprendre dans cette acceptation d’une relation directe entre Dieu et « son » peuple. Pourtant, Jésus, juif identifié par certains… comme le messie attendu dans la religion juive, et d’ailleurs dans la religion musulmane se rapportant à Abraham, étendait quant à lui sa foi en Dieu à tous, juifs ou non, ce qui a dû contribuer, entre autre, à déstabiliser les « gardiens du temple » de l’époque de la religion juive… Mais, pour revenir à la transmission de ce caractère juif, pourquoi la mère me direz-vous ? Sans doute parce que l’on est sûr de la filiation… mais ce n’est qu’une supputation personnelle. Par contre, bien que considéré le cas échéant comme juif devant l’Eternel et surtout ses coreligionnaires, tout individu ainsi identifié conserve la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, ce qui constitue une différence fondamentale avec la religion musulmane telle qu’elle est imposée, en tout cas dans un certain nombre de pays musulmans et, sous réserve d’inventaire, dans tous les pays à majorité musulmane de peuplement. A ma connaissance, aucune autre religion ou philosophie spirituelle ne dénie le droit à tout individu de croire ou de ne pas croire selon ses propres convictions. Enfin, il faut reconnaître que l’application des coutumes locales nuance fortement cette affirmation optimiste…
Une fois que la religion musulmane, ou plus exactement, ceux qui sont censés incarner et défendre les dogmes de la religion musulmane accepteront ce droit de ne pas adhérer à la religion musulmane, je crois qu’un grand pas aura été franchi pour que son image en soit considérablement améliorée auprès d’autrui. Mais c’est à cet autre impératif qu’il conviendrait que les musulmans animés par le raisonnement, et non simplement par une foi intransigeante, s’attaquent : la possibilité de mettre à l’épreuve de l’analyse tout à la fois leur religion et les paroles recueillies par leur prophète, Mahomet. Bien entendu, comme pour toute religion, cette foi, pour se maintenir et prospérer, s’incarne dans une communauté soudée, et ceux qui représentent cette communauté sont toujours réfractaires à ce genre de démarche qui vient fragiliser le pouvoir qu’ils tiennent de leur savoir en matière de dogmes et de respect de ces dogmes. Il est indéniable que cela crée une sorte de remise en cause à leur égard, qu’ils ressentent comme telle, et qui vient les fragiliser. En même temps, si l’on accepte le principe essentiel selon lequel une religion doit exprimer une adhésion personnelle, une foi qui se manifeste individuellement, il est vital que cette recherche, cette exégèse, puisse se faire de manière ouverte et partagée avec les spécialistes mais aussi au vu et au su de tous, croyants ou non croyants. Sinon, il faudrait considérer que nous sommes dans le registre de la religion subie ce qui est contraire selon moi aux principes que doit défendre une civilisation et en tout cas la civilisation que j’appelle de mes vœux et dans laquelle je me situe d’ores et déjà, avançant sur les traces de nos Anciens, et quand je dis Anciens, je remonte bien entendu à la Grèce mais aussi à toute forme de société ayant apporté un enrichissement à notre manière de concevoir la vie, et en particulier la vie vécue ensemble.
L’exégèse biblique, qui a permis de mieux comprendre, et ce n’est pas terminé, l’Ancien Testament au sens chrétien du terme et le Nouveau Testament, à savoir la vie de Jésus et son message, représente une immense contribution permettant d’éclairer les croyants, juifs et chrétiens en l’occurrence. Je vous renvoie pour ceux qui voudraient en savoir plus sur mon opinion relative à cette question aux textes publiés sur mon site internet. Bien que moins familier des philosophies bouddhistes, hindouistes,…, je ne suis pas sûr que le même travail d’exégèse soit possible compte tenu de la difficulté de remonter de manière précise aux « sources textuelles » et à la vie de ceux qui ont incarné ces élans spirituels / méditatifs mais je parle sous toute réserve en la matière et je suis persuadé que tout est fait en tout cas pour y parvenir dans les meilleures conditions lorsque cela est possible.
Il nous reste donc, en ce qui concerne les grands courants religieux / spirituels, le monde musulman à convaincre et surtout les érudits, musulmans ou non, capables de se lancer dans une telle exégèse qui, pour le coup, est tout à fait possible puisque la vie de Mahomet nous est accessible par différentes sources et que ses sourates nous permettent de connaître les messages qu’il a souhaité délivrer, inspirés de Dieu ou relevant de sa propre inspiration, c’est selon l’interprétation de chacun. Je rajouterai également, compte tenu de nos connaissances qui ont progressé en la matière - même si elles font l’objet encore de controverses, c’est le moins que l’on puisse dire - d’une inspiration qui dépasse peut-être notre entendement rationnel actuel. En attendant en tout cas que cette zone de connaissance / croyance rentre dans le champ du rationnel, ce que j’aurais tendance à croire à titre personnel, l’irrationnel n’étant qu’une limite temporaire de convenance fixée à notre connaissance rationnelle, et voué à tomber dans le rationnel ou à être mis à jour par l’émergence d’une autre explication rationnelle. Tout finira par devenir rationnel parce que tout ce qui existe est rationnel. Seul l’inconnu nous parait irrationnel. Même Dieu, ou la force qui anime notre univers, existant / existante, si il ou elle existe bien sûr…, a vocation par conséquent à rentrer dans le champ du rationnel puisqu’il ou elle existerait bien finalement. Enfin c’est ce que je crois à titre personnel.
Pour revenir à Mahomet, les quelques lectures évoquées ci-dessus, ainsi que d’autres picorées ici ou là, me permettent de penser que Mahomet a été inspiré. Une telle trajectoire ne peut se comprendre sans cela, c’est-à-dire sans avoir le sentiment d’être inspiré. Mais comme tant d’autres ont été inspirés. Alors, qu’est-ce qui fait qu’un inspiré devient une référence indépassable pour certains ? C’est bien cela qui doit retenir notre attention et c’est aussi cela qui doit intéresser les musulmans en l’occurrence.
A titre personnel, de culture chrétienne, je suis étonné que le caractère violent, au sens belliqueux du terme, n’ait pas rebuté ceux qui ont épousé cette religion car cela me semble quelque peu antinomique avec un message de paix tel qu’envisagé dans notre terreau spirituel... De même, en découvrant la vie de Mahomet, on perçoit un aspect conjoncturel aux sourates retranscrites par Mahomet qui n’hésite pas à recourir à celles-ci par exemple lorsqu’il lui faut modifier les règles lui permettant d’avoir une épouse de plus que ce que la tradition de l’époque ne l’y autorisait. En tout cas, c’est mon sentiment. Je laisse le soin à ceux qui voudraient en savoir plus de lire les deux livres cités, ou d’autres, et ils découvriront aussi de quelle manière Mahomet fut contesté en son temps et, enfin, que la religion musulmane ne s’est pas imposée naturellement mais qu’elle est le fruit d’une longue évolution avec des interprétations différentes qui demeurent encore aujourd’hui et qui sont au cœur des luttes « intestines » souvent violentes auxquelles nous assistons, en particulier entre chiites et sunnites.
Sans reprendre mes précédents textes, vous connaissez ma réticence – euphémisme - à pouvoir accepter les préceptes « descendus du ciel » en matière de prescription alimentaire, de rituels divers et variés voulus par Dieu,… Pour ma part, je me répète, je comprends toute démarche visant à découvrir le sens de la vie et je suis sensible à celles, plus particulièrement, qui insèrent ce sens de la vie dans une vision divine, au sens d’un Dieu compris comme une Puissance / Force ou un Sens organisé / voulu, mais par-dessus tout, j’aspire à ce que toute réflexion conserve en fil rouge la liberté d’adhérer ou non à telle ou telle option d’interprétation ou de compréhension. Et, mais ai-je besoin de le rajouter, évidemment, rien ne peut justifier à mes yeux la violence pour imposer à son peuple ou à autrui telle ou telle croyance, qu’elle soit censée s’incarner dans un prophète recevant ses messages de Dieu ou de tout autre messager. Cela ne peut relever exclusivement que de la foi de chacun ou tout simplement de son intime conviction forgée par son propre raisonnement…. Et je l’accepte dans cette limite en attendant que notre sphère de connaissance s’élargisse au point d’apporter les explications ou en tout cas les éclaircissements facilitant une évolution de la pensée ou de la compréhension de la Vie, patiemment, et tout en sachant que le temps de la vie humaine n’est pas le temps de la Vérité suprême. Mais l’infini est là pour nous appeler à l’humilité en la matière et non aux certitudes imposées.
En ce premier jour de Ramadan de l’année 2012 qui doit être, comme tout moment du même genre pour toute religion ou philosophie à dominante spirituelle, consacré au recueillement, j’appelle donc tous les musulmans à s’engager de manière active pour les uns et solidaires pour les autres dans cette voie audacieuse de réflexion. Et j’en profite pour rappeler à tous, croyants ou non croyants, que la réflexion des uns enrichit notre propre réflexion, sur le plan universel. C’est donc grâce au travail engagé par tous que nous progresserons dans la connaissance de la Vérité. A chacun de s’engager dans cette lutte en faveur du Vrai, du Bien, pour contrer ces tendances profondes de l’Homme à nous entraîner vers le Mal au sens large, tel qu’il s’illustre dans de multiples formes sous nos yeux. Voilà en tout cas un combat perpétuel à mon sens, et dont la victoire repose sur les épaules de chaque génération successive, rien n’étant jamais définitivement acquis en la matière.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 20 juillet 2012
(date de publication sur le site décalée au 1er mai 2013,
après les articles sélectionnés dans le livre "Le cri du
coeur de notre civilisation ")