LE MATCH EST BIENTOT TERMINE [THIS IS THE END] !
Retour sur images au moment où vient le temps du bilan et qu’approche le moment fatidique de la fin d’un match qui consacrera le vainqueur et fustigera le vaincu. Au risque de radoter, je prie mes lecteurs de s’armer de patience pour ce petit article. Est-ce la fin d’un cycle d’expressions ? Je ne sais pas. Suivons nos états d’âme et ensuite nous verrons bien.
Au-delà des camps politiques, ce qui m’importe aujourd’hui, c’est de voir le chemin parcouru et le paysage ainsi dessiné. Au-delà de la Gauche, ce que je vois, c’est une confusion entre le souhaité – le voulu tel qu’espéré, tel que pensé – et la réalité telle qu’elle se concrétise en réponse aux décisions mises en œuvre. En clair, la mauvaise appréhension selon moi du temps long et, en parallèle, de l’immédiateté, a conduit à des erreurs de gouvernance qui entraînent des résultats de plus en plus irréversibles. Malheureusement.
Avant de poursuivre, jetons un bref regard sur le passé pour estimer que notre civilisation paye peut-être son arrogance. On peut penser avec Jules FERRY qu’effectivement notre civilisation, supérieure aux autres civilisations, telle que considérée à l’époque de par ses progrès technologiques et l’expression de ses capacités de réflexion sur l’homme et le monde, méritait bien d’étendre ce modèle aux autres pays et civilisations existantes. Nous prendrions aujourd’hui des précautions oratoires pour formuler ce genre de jugement et j’y reviendrai par la suite. Mais quoi qu’il en soit, telle la manifestation de son intelligence vis-à-vis d’autrui censé l’être moins, il existe deux manières de procéder. Soit, en imposant ses capacités intellectuelles au risque d’humilier l’autre. Soit en permettant à autrui de saisir son raisonnement de manière didactique et en acceptant de laisser s’exprimer toutes les potentialités de l’autre pour favoriser à terme une osmose des pensées exprimées.
Au delà de ce point de méthode, nœud gordien de l’altérité entre les hommes et les civilisations, peut-être doit-on reconnaître par ailleurs que notre civilisation a également compromis son épanouissement et son « expansion acceptée et intégrée » en ne sachant pas empêcher l’éclatement des deux guerres mondiales fratricides et meurtrières qui ont redistribué la marche de l’évolution de nos civilisations respectives. On peut en effet considérer que c’est à partir de cet accident de parcours particulièrement dramatique, voire monstrueux, que le monde moderne s’est dessiné et nous livre les clés des rapports géopolitiques externes et des soubresauts continentaux et nationaux. Et je pense là aussi à ces accélérations fulgurantes de l’évolution de nos sociétés que nous feignons d’oublier ou que nous avons assimilées si vite que la réalité de ce progrès finit par s’estomper. Sommes-nous bien dans le même monde soixante ans plus tard ? En prenons-nous vraiment conscience ? Je crois que, tel le miracle de la vie – de l’existence de notre univers à la vie de l’homme elle-même - nous ne voyons plus, sauf à de rares exceptions, ce miracle. Ou nous n’en avons pas assez conscience en tout cas. Plus concrètement, nous avons assisté ces dernières décennies à l’épanouissement de tant de potentialités révélées, réveillées, dans tant de pays à travers le monde, se traduisant par la renaissance ou en tout cas la reconnaissance planétaire de tant de formes de pensées, ou de civilisations si l’on veut, que nous en sommes un peu enivrés.
Ce constat met en lumière ces milliards d’individus qui finalement se frottent à ce monde en expansion, monde qui ne réussit pas si mal que cela finalement en termes quantitatifs, même si bien entendu, le sort des uns et des autres n’est pas identique en tout point de la surface de notre planète, loin s’en faut. Par contre, émerge clairement le sentiment que l’accélération constatée ne coïncide pas avec une trajectoire bien définie et maîtrisée. Un monde qui nous échappe parce qu’il va trop vite peut-être. Ou bien, un monde qui nous déstabilise tant les ingrédients qu’il recèle se révèlent être différents, contradictoires, voire explosifs dans leur confrontation. Cette maîtrise technologique et ces progrès en croissance exponentielle viennent se télescoper frontalement avec le maintien de croyances toujours ancrées dans un passé figé, laissant concrètement aux gardiens autoproclamés de ces dogmes une mainmise réductionniste et contraignante, voire privative de liberté.
Comment faire la part des choses entre évolution et conservation des valeurs traditionnelles qui, au-delà des formes imposées, s’illustrent également par un engouement véritable, volontaire, marque de cette perpétuelle recherche du sens de la vie par l’homme. C’est vrai, le nouveau ne doit pas opprimer l’ancien mais l’ancien ne doit pas étouffer le nouveau et nier sa réalité. De la mise en relation des deux et de leur coexistence, forcément perpétuelle, dépend non pas la synthèse mais la capacité d’émergence de la voie à suivre pour notre monde. Plus précisément, disons que telle ou telle religion ne doit pas contraindre le débat au seul motif qu’elle incarnerait la vérité révélée et s’exprimerait à travers des populations qu’il conviendrait de ne pas heurter envers et contre tout. Tel ou tel prophète ne peut pas rester à l’écart de l’exégèse des textes et de la réalité historique de son avènement revendiqué pour pouvoir en démontrer les ressorts initiaux. Au risque même le cas échéant de susciter des désillusions qu’il faut alors se préparer à contenir en proposant les éléments d’une réflexion globale sur la vie. Le Père Noël contribue à offrir un décor douillet à l’enfant pour préparer sa croissance, doucement, vers les réalités du monde adulte. Mais, un jour, l’enfant découvre que le Père Noël n’existe pas et il faut l’avoir préparer à ce saut pour pouvoir l’accompagner vers son nouveau statut et acquérir cette maturité qui fera de lui un homme. En définitive, ce besoin de croire, de dépassement de son sort terrestre immédiat, manifesté de tant et de tant de façons par les hommes, ne doit jamais empêcher l’introspection pour découvrir la vérité au-delà des apparences bien confortables il est vrai…
Pour revenir à mon pays qui me désespère, je dois dire que ce n’est pas tant les orientations politiques qui semblent avoir ces derniers temps les faveurs d’une majorité des français, que le constat amer des conditions du débat qui prêtent à caution qui me heurte. Car, effectivement, pour l’avoir déjà dit à maintes reprises, il n’en demeure pas moins vrai qu’en monopolisant l’expression de la pensée, on n’en favorise pas pour autant l’éclosion de la vérité. Je dirais même que l’on assèche les chemins pouvant y mener. Que ces dernières années aient permis à une certaine forme de pensée de se développer largement grâce à l’appui d’une armée disséminée à travers le monde de la culture, de l’éducation, de l’administration, de la justice, des médias,… ne donne pas force de vérité à ces idées, même si celles-ci apparaissent pourtant dominantes et qu’elles ont pratiquement force de loi.
Malheureusement, il est un jour où l’irréversible fait son œuvre. Ce point est-il déjà atteint ou même franchi, on peut en débattre, mais nous le « tangentons » ! Notre continent européen a donc voulu s’ouvrir aux autres peuples, peut-être par le poids d’un sentiment de culpabilité après son élan colonisateur, ou de par cette volonté de faire éclore le monde idéal de demain tel que l’on pourrait le concevoir intellectuellement et philosophiquement dans une marche vers ce croisement de nos populations, ou sans doute en raison d’un peu des deux. Je crois, une nouvelle fois, que le mouvement est allé trop vite en confondant le temps long qui traduit ce vers quoi l’homme et le monde tendent, ou devraient tendre, et le temps court, celui du quotidien, qui seul permet d’absorber l’évolution telle que programmée en quelque sorte, mais à un rythme adapté. Tout simplement, parce que la construction de l’histoire d’un peuple - sa mentalité, sa capacité d’évolution - demande du temps et s’inscrit sans aucun doute dans une succession de générations plus aptes les unes que les autres à endosser les habits du monde tel qu’elles le découvrent alors, au fur et à mesure.
Pourquoi ce cri d’alerte ou d’alarme ? Tout simplement parce que cet acquis, bien imparfait j’en conviens, d’une civilisation qui progresse sur le plan matériel et qui offre ce cadre de réflexion sur le sens de la vie et de la compréhension de l’univers, ne doit pas être compromis par des concepts surannés car figés dans les mentalités plus facilement malléables et impressionnables d’un temps passé. Concepts ou croyances en vérité manipulés par les tenants d’un ordre imposé, non pas sur la base de postulats idéologiques, mais en s’appuyant donc bien sur des croyances ancestrales indépassables car figées dans le temps, pour le plus grand confort de ceux qui assurent ainsi leur emprise sur les consciences.
Face à ce douloureux constat, je vois notre salut en s’appuyant sur deux piliers qui sous-tendent la marche en avant de notre civilisation. D’une part, l’information et son corollaire, la liberté d’expression, pour que notre société, nos sociétés, assurent à tout individu le socle de connaissances qui favorisera la constitution d’un jugement éclairé. Cette idée forte qui a traversé le monde depuis que les systèmes de pensée se sont forgés au cours de l’histoire, nécessite une défense absolue. Si je la trouve malmenée en France en regardant avec dépit le débat politique et les manipulations de l’opinion publique auxquelles il donne lieu, c’est bien au-delà, à travers le monde, que je conçois cette défense pour que la découverte des ressorts de la vie et du monde soit accessible à tous.
C’est, d’autre part, la préservation de la capacité de chercher qui constitue le deuxième pilier auquel je pense. Mais de quoi s’agit-il ? J’entends par là cette fenêtre ouverte pour nous permettre d’entrevoir de nouveaux horizons, de progresser : ces découvertes, ces inventions, ces éclairs de connaissance, qui sont le terrain de notre construction humaine et du monde, et qui nous permettent de franchir les obstacles qui surgissent dans notre marche en avant. En faisant l’objet de toute notre attention et en étant défendue par tous les moyens, cette connaissance nouvelle est porteuse des évolutions et des solutions qui nous permettent donc de surmonter les difficultés que notre croissance crée inexorablement. Ce qui ne veut pas dire que le progrès doit être livré de manière crue et brutale, mais qu’il doit être au cœur de notre réflexion pour en assurer l’émergence tout en en définissant les conditions de son épanouissement et de son développement.
Alors, il est vrai que, comme je l’ai déjà laissé entendre, à chaque génération de laisser son empreinte sans pour autant renier son passé, son histoire. Mais chaque génération effectivement, porteuse d’un regard neuf par essence, et dénuée de souvenirs encombrants dans sa manière de voir le monde qu’elle découvre, peut aller plus loin pour reprendre le flambeau du progrès de l’humanité.
Vient alors un temps pour chacun où il faut bien se rendre à l’évidence et savoir reconnaître que son temps n’est plus celui du temps présent, ou plus tout à fait. Il faut savoir l’accepter surtout qu’alors, se profile le temps d’un autre présent, ailleurs et pourtant bien là aussi, synonyme de sérénité, de paix, d’éternité. Mais chaque chose en son temps…
Pour l’heure, et pour revenir à notre réalité actuelle, si le match touche à sa fin, il faut bien reconnaître qu’il risque d’incarner pour certains une issue un peu désespérante après ces décennies de dérive à peine freinées, telles que je les regarde en tout cas. A moins d’un sursaut salutaire que l’on ne peut qu’espérer.
C’est à ce moment-là en tout cas que se pose ou se posera la question de transmettre le flambeau si tant est qu’il soit en état de l’être,… et en sachant à qui…
Viendra alors le temps également ensuite de ces nouveaux horizons évoqués. Ils pourront être de toutes sortes : physiques, intellectuels, spirituels,…
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 13 juin 2012