"FAITES VOS JEUX, MESDAMES ET MESSIEURS"
Quelle curieuse impression suscitée par ce premier débat télévisé organisé par TF1 entre les candidats susceptibles de pouvoir figurer au second tour de l’élection présidentielle. On se croirait un peu au casino devant le tapis vert en se demandant quel jeton avancer…
Sans vouloir me faire l’avocat de TF1, heureusement que les candidats n’étaient que cinq, mais reconnaissons que l’idée évoquée de proposer un débat aux six autres candidats, classés « petits candidats » selon les sondages, mériterait d’être retenue… Evidemment, cela irait peut-être à l’encontre de la dictature de l’audience sur une chaîne réputée pour y être particulièrement sensible. En tout cas, le débat avec onze candidats prévu sur France 2 me laisse songeur… et un peu inquiet.
« Faîtes vos jeux, Mesdames et Messieurs » pourrait-on entendre en fin d’émission. Ne boudons pas notre plaisir ! Même si cette forme de débat est perfectible, il faut bien reconnaître qu’il a au moins le mérite de permettre quelques échappées pour évaluer les personnalités des uns et des autres. Après tout, les programmes sont en grande partie connus et seront développés plutôt sur des supports écrits afin de nous permettre d’en soupeser les forces et les faiblesses, aidés en cela par les bonnes fées médiatiques.
Donc, ce qui nous intéresse c’est de voir les gladiateurs dans l’arène ; voir comment ils se comportent, dans leur monologue trop bien préparé et, surtout, dès que l’occasion s’y prête, dans leurs joutes oratoires avec un ou plusieurs combattants. Chacun a pu se faire son opinion dirait David Pujadas.
Finalement, Marine LE PEN et Jean-Luc MELENCHON sont des têtes d’affiche connues. Ils jouent leur partition avec assurance et une certaine continuité. A chacun d’être séduit ou non.
On ne peut pas dire que François FILLON soit une bête de scène. Je l’avais déjà relevé lors des débats télévisés pour les primaires de la Droite et… du Centre. La vérité oblige à dire que sa première partie d’émission (avant la coupure publicitaire…) a été catastrophique. Groggy, presque hébété - l’effet peut-être de médicaments visant à atténuer le stress de ce Grand Oral ? – il n’était que l’ombre de lui-même. Quelle souffrance pour ses partisans ! Ragaillardi après la pause, et sans doute sermonné par son entourage, il s’est repris mais se retrouvait parfois à contre temps dans les interventions comme c’est souvent le cas quand on veut forcer sa nature. Dommage pour celui qui a manifestement, selon moi évidemment, le meilleur programme, mais qui a laissé passer une occasion d’en convaincre les téléspectateurs. Les courageux qui sont allés jusqu’à minuit ont pu apprendre lors de sa conclusion qu’il était le seul à pouvoir se prévaloir d’une majorité pour soutenir sa politique à l’issue des élections législatives qui suivront l’élection présidentielle… Il était temps de le dire.
Benoît HAMON nous est mieux connu depuis les débats télévisés des primaires socialistes. Mais déjà, la fraicheur du candidat, qui avait sans doute convaincu nombre de ses électeurs lors de son affrontement avec Manuel VALLS, s’est estompée. Quant à son positionnement politique, effectivement, il ne trompe personne en se situant à l’aile gauche du Parti socialiste si tant est que ce parti puisse encore se prévaloir d’une ligne politique.
Evidemment, la « guest star », c’était Emmanuel MACRON dont le parcours glorifié par les médias et porté à bout de bras par les instituts de sondage doit maintenant le mener sous les fourches caudines des citoyens, en tout cas des citoyens-spectateurs, et ensuite des citoyens-électeurs pour confirmer ou infirmer ces belles courbes prometteuses. Soyons honnête, l’homme est séduisant et il a du talent. Il sait louvoyer entre les grands fauves de la politique qui lui font face avec une aisance tout à son honneur. Malheureusement pour lui, me semble-t-il, la statue du commandeur que représente la Président de la République – la Vème République – correspond mal à l’image d’un jeune talent peu expérimenté, et dont la rhétorique cache mal parfois le côté artificiel de sa connaissance de la marche politique de la France. La situation économique du pays et les troubles mondiaux que nous traversons n’incitent pas à la tentation de l’aventure, d’autant plus qu’aucune majorité ne permettrait à celui-ci de mettre en œuvre son programme. Rajouter une crise de régime aux autres pavés qui s’accumulent, très peu pour moi. Erreur de casting donc mais peut-être pourrait-on lui trouver un rôle digne de lui car il ne manque pas de panache ?
Je laisse évidemment à chacun le soin de classer les candidats selon son cœur ou sa raison mais j’ai envie de me laisser aller de manière fort imprudente j’en conviens à quelques pronostics. Je parierais ainsi que Jean-Luc MELENCHON, Benoît HAMON et Emmanuel MACRON vont s’équilibrer dans leurs scores respectifs (rappelons-nous qu’Emmanuel MACRON est le candidat qui incarne tous les espoirs des journalistes dans sa dimension « union nationale » même si chacun sait qu’il s’agirait plus d’une chimère… mais qu’en sera-t-il dans les urnes ?). Marine LE PEN me semble surévaluée dans la mesure où son positionnement en faveur de la sortie de l’euro va continuer à en effrayer plus d’un. Tandis que François FILLON serait sous-évalué si l’on s’en tient aux forces politiques qu’il représente et à l’assurance, relative évidemment, d’avoir ensuite une majorité à l’Assemblée Nationale. Mais il ne s’agit sans doute que de l’extrapolation d’un souhait personnel plutôt que d’une estimation rationnelle. Et même sûrement puisque je n’ai pas d’échantillon représentatif de la population française à sonder. Mais que puis-je faire d’autre ? Sinon souhaiter que François FILLON se ressaisisse et fasse que sa candidature soit plus désirable… Au-delà du programme, le peuple français se choisira un chef d’Etat ! Cette confiance repose aussi en grande partie sur le charisme.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 21 mars 2017