UKRAINE : DE L’ART DE SAVOIR SE REMETTRE EN QUESTION
Je ne suis qu’un simple citoyen doté de capacités intellectuelles « normales » bien que la normalité ait été quelque peu dévoyée dans son acception normale ces derniers temps… Ce qui veut dire pour moi, qu’étant conscient de mes limites et de la relativité de mon savoir, je suis toujours ouvert à de nouveaux arguments qui viendraient faire évoluer mon opinion. Mon opinion, car j’allais oublier, je fais partie de ces gens ordinaires qui aiment bien se forger leur propre opinion et qui ne se satisfont pas des « éléments de langage » régurgités désormais dans la presse, sauf exception notable comme un hebdomadaire tel que VALEURS ACTUELLES.
Alors, où veut-il encore en venir ? Je passe sur le fait que, même si les français doutent de l’honnêteté intellectuelle des journalistes, comme nous le révèlent des sondages régulièrement, il faut bien reconnaître que les médias audiovisuels ont encore un très fort impact sur nos concitoyens, d’un naturel finalement assez confiant… C’est ce que je constate en tout cas. Non, l’objet de mon propos sera ici plus circonscris. Je voudrais de nouveau aborder la question de l’Ukraine suite à l’interprétation qu’en font les journalistes du FIGARO dans le numéro de ce jour. Je prends LE FIGARO qui a une tradition de sérieux en matière de relations internationales, même si leur strabisme divergent vers le quai d’Orsay ne fait aucun doute, mais c’est tout de même le journal qui aurait pu, selon moi, avoir une approche plus objective des événements compte tenu du fait que le méchant POUTINE entraîne un réflexe pavlovien d’attaque répulsive du côté des confrères journalistes plus à gauche. Oh pardon, non, LE FIGARO n’est pas situé à gauche dans sa ligne éditoriale, ce sont les journalistes qui sont un peu…, allez, ambidextres ! Cela dit, tout s’arrange aujourd’hui avec le recours au traitement de texte…
Alors, « what’s the point ? », diraient nos amis américains. Pour ne prendre que l’éditorial de ce jour de Philippe GELIE, confirmé peu ou prou par le commando de journalistes mobilisés sur cette affaire, et notre experte, Laure MANDEVILLE, réquisitionnée pour l’occasion, je dois dire mon étonnement face à cette ligne de pensée qui n’évolue guère malgré la teneur des événements et la publication, remarquée, de points de vue différents dans ce même journal dans les semaines passées (ce n’est plus le cas ces derniers temps d’ailleurs…, pensée unique oblige ?). Le méchant, c’est la Russie, et les gentils ce sont les américains et les européens ! Et on déroule les arguments selon ce schéma d’interprétation bien commode, voire reposant pour l’esprit…
Je dis schéma d’interprétation pour ne pas dire postulat, ou, en mathématiques, hypothèse de départ. Car j’ai vraiment l’impression que nos « analystes » ont posé cette hypothèse de départ et construisent ensuite leur raisonnement autour, sans jamais se remettre en question. C’est vrai, c’est difficile, cela demande du courage, car changer d’opinion demande une certaine forme de courage vis-à-vis d’autrui, et ensuite un courage intellectuel pour accepter d’affronter sa propre conscience afin de juger sa propre pensée.
Tout cela pour dire que je suis surpris par exemple de constater que M. GELIE n’a aucun doute sur le fait que la Russie soit dans son tort. Les événements de Kiev sont pour lui d’une parfaite limpidité. Par un coup de force, un gouvernement a été renversé finalement, mais circulez, il n’y a rien à voir... L’Union européenne n’a-t-elle pas joué le pompier pyromane dans cette affaire comme on se plait à le dire aujourd’hui vis-à-vis de la Russie concernant l’agitation actuelle dans l’est de l’Ukraine ? Il ne s’agit pas d’être naïf. Evidemment, la Russie joue aujourd’hui un certain rôle dans ces événements, pour ne pas dire un rôle certain. Mais comme je l’avais rappelé dans un précédent article, ne s’agit-il pas d’une réponse du berger à la bergère ? Alors, c’est de cela qu’il serait intéressant de discuter tant on est passé vite sur la réalité des mouvements impliqués dans le renversement de pouvoir à Kiev…
Et si les américains voyaient d’un bon œil le renfort de l’OTAN avec l’entrée de l’Ukraine, ils n’ont certes pas envie d’une guerre, froide ou chaude, avec la Russie. On se trompe d’époque ! Les dindons de la farce, ce seront les européens, tout comme François HOLLANDE s’était fait ridiculisé par les Etats-Unis qui avaient levé le pied dans leur escalade verbale contre Assad en Syrie, le laissant tout seul en rase campagne... Les européens, dont on a pu voir le poids lors de la conférence de presse organisée suite aux accords intervenus hier pour faire baisser la tension, Miss ASHTON étant quasi oubliée par M. KERRY, à l’issue de son intervention… Les européens, ridicules, comme d’habitude, dont on n’attend d’eux que des milliards d’euros et qui sont incapables de s’affirmer comme une véritable puissance organisée, et pour cause… Si l’euro ne fonctionne pas compte tenu des différences de structure économique des différents pays qui l’ont adopté, l’Union européenne ne représente pas une Nation mais encore un conglomérat de Nations, et c’est heureux. Mais, de grâce, faisons cesser ce mythe d’une Union européenne acteur sur la scène internationale (ou actrice, je m’y perds un peu ?). Le ridicule ne tue pas mais ne rend pas plus fort vis-à-vis des autres Etats qui rigolent sous cape, et encore, de moins en moins sous cape.
Alors, sans conclure car je ne prétends pas détenir la vérité mais je constate que les faits me donnent raison, je voudrais revenir sur cette idée maintes fois rabâchée selon laquelle la Russie voudrait reconstituer une forme d’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). La question n’est pas là. C’est une approche biaisée. On sait bien que cela permet de disqualifier Vladimir POUTINE pour faire peur au bon peuple. Non, la question, je le rappelle une nouvelle fois, est de prendre conscience qu’une grande Nation telle que la Russie, avec le passé effectivement qui est le sien, URSS ou empire, aura toujours vocation à vouloir préserver un cordon d’Etats autour d'elle pour préserver sa sécurité. C’est si difficile que cela à comprendre. Cela dit, je conçois que pour des Nations qui se suicident de l’intérieur par l’encouragement d’une immigration irraisonnée, non assimilée, cela soit effectivement difficile à comprendre…
J’ai beau être français, j’aime me poser les bonnes questions ! Et me remettre en question le cas échéant…
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 18 avril 2014