POURQUOI JE CROIS EN UNE VERITABLE RUPTURE...
Je ne crois plus, grâce au recul sur la vie politique qui est désormais le mien, au bienfait de l’action menée par nos dirigeants depuis le milieu des années 1970 avec Valéry Giscard d’Estaing. Je crois que les uns et les autres étaient le produit d’une génération décalée par rapport à la société qui s’est construite depuis trente-cinq ans. Décalée du fait de leur origine sociale, de leurs études, de leur évolution dans un monde politique qui a peiné à prendre la mesure des choses. Et j’en profite pour accabler celui qui a contribué à empêcher l’émergence d’une prise de conscience lucide et sereine sur les mutations de notre pays, notamment bien évidemment en matière de flux migratoires. Je pense bien sûr à M. LE PEN qui, par ses positions excessives et rigides, a empêché une partie de la classe politique de prendre ses responsabilités et a encouragé l’inconscience de l’autre partie de la classe politique. Le résultat, c’est notre pays tel qu’ils ont contribué à le bousculer sans prendre la peine d’évaluer les soubresauts que cela allait provoquer, avec une immigration incontrôlée en termes de flux et de concentration territoriale, compte tenu des quantités d’immigrés confinés dans des espaces impropres par définition à l’assimilation. Ils ont fragilisé l’harmonie de notre pays, somme toute évidemment toujours relative, par bêtise ou lâcheté, provoquant ainsi l’insatisfaction des accueillants et des accueillis ! Ajoutons que les intellectuels de notre pays, épaulés par une large majorité de nos médias, n’ont pas contribué à permettre un débat rationnel et équilibré, voire raisonnable au sens premier du terme, sur ce sujet et sur bien d’autres.
Soyons clairs : la coexistence des hommes d’origine différente (culture, couleur de peau, religion,…), prise dans son acceptation philosophique et de long terme me semble un horizon légitime, à ce bémol près que nos dirigeants ont confondu le temps long et le temps court, ignorant les contingences humaines et les nécessités d’une évolution progressive.
La rupture annoncée par notre président actuel a fait long feu car, si elle exprimait sans doute de vraies convictions et un caractère engagé, elle s’est faite sans proposer un modèle de société, voire de civilisation, qu’il aurait fallu déployer pour tenter de convaincre de sa pertinence et espérer son acceptation par le plus grand nombre. Elle s’est faite par conséquent dans la symbolique, certes dans le bon sens, mais sans aller jusqu’aux racines profondes des causes de nos dysfonctionnements (immigration mais aussi sécurité, justice, éducation, santé, Europe,…) qui s’inscrivent pourtant dans le domaine de l’intervention régalienne de l’Etat. Bref, l’annonce de la rupture sans la rupture effective.
Le sursaut devra passer par d’autres hommes, sans doute une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques, et permettre, non pas de revenir en arrière, mais de donner les moyens à la France de reprendre la maîtrise du fil de son destin. A défaut, et sans jouer les Cassandre, mais c’est ma conviction, nous rentrerons dans une période, d’une durée indéterminée, qui verrait des formes de guerre civile larvées se développer, menaçant progressivement tout à la fois notre démocratie et nos acquis civilisationnels. Et là, personne ne sait vers quelle rupture nous irions.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 14 février 2011