LES RELIGIONS AU RISQUE DE LA MONDIALISATION
Cet article, rédigé en 2008, est publié à l'occasion du débat sur la mondialisation, une nouvelle fois d'actualité !
Une brève histoire de ce colloque... [colloque organisé par l’association des amis de Pierre Teilhard de Chardin au collège des Bernardins – novembre 2008]
Quelles sont les idées qui se dégagent des différents exposés et débats qui permettent finalement d'alimenter notre réflexion sur le sens de la vie. Je distinguerais deux niveaux de lecture de cette problématique assurément ambitieuse. Pardon pour les raccourcis que nécessite un tel exercice.
Ces deux niveaux de lecture se retrouvent très fréquemment dans notre appréciation du monde et des événements qui l'animent : une approche « macro », centrée sur les grandes tendances, et une approche « micro », s'appesantissant sur les réalités concrètes des faits et des individus.
En ce qui concerne le niveau « macro », il apparaît clairement que l'émergence sur la place publique mondiale, aux yeux de tous, en principe, de l'expression de chacune des religions ou philosophies spirituelles entraîne un principe de relativité. L'équation « un monde égale un Dieu », équation fondatrice des religions monothéistes en tout cas, s'avère du coup le talon d'Achille des religions.
La relativité de chacune des religions, à vocation universelle initialement, oblige à penser leur relativité face au constat de leur pluralité. La mondialisation a porté à son paroxysme cette prise de conscience engagée bien évidemment voici plusieurs siècles. Cette mise en concurrence génère un conflit qui traduit un risque extrême pour le sort des religions. Soit l'une d'entre elle l'emporte sur les autres, et c'est le risque d'un prosélytisme étouffant à terme pour les autres religions. Soit chacune est perçue comme porteuse d'une part de vérité dans la transcendance vers Dieu, et c'est la tentation d'une religion syncrétique qui viendrait se substituer à chacune d'entre elles; c'est-à-dire l'émergence d'une nouvelle religion qui engloberait ou confondrait l'ensemble des autres religions au sein d'une nouvelle croyance considérée comme universelle, et rassemblant ainsi tous les hommes. Cette zone de fracture dans laquelle nous précipite la mondialisation constitue bien le défi majeur que les hommes devront relever dans les décennies à venir.
Au niveau « micro », il faut bien considérer que la mondialisation, et sa traduction géopolitique d'une mise en avant de la circulation des idées, des personnes, des biens,..., et des religions, crée une zone virtuelle de tension à la fois entre Etats et au sein même de chaque Etat. Ainsi, l'Etat, lorsqu'il est « porteur » d'une religion, peut-être tenté de vouloir imposer ce qui constitue en quelque sorte sa raison d'être. L'exportation et l'imposition par la force d'une telle religion constitue alors un risque réel pour la survie des autres religions dans un climat plus global de fragilisation des autres Etats confrontés à cette volonté d'expansion. N'oublions pas que dans ce cas de figure, les religions coexistant au sein d'un tel Etat ont elles-mêmes pour ligne d'horizon une disparition programmée... La mondialisation contribue à ce titre à exacerber les lignes de fracture entre les diverses religions constituant ainsi ce pôle d'affrontement au dénouement tragique annoncé.
Ce sont donc bien deux risques majeurs de la mondialisation, aux contours bien différents, mais qui menacent véritablement les religions dans leur mode d'expression, voire dans leur survie, et qui sont une nouvelle traduction à l'échelle du monde de la difficile coexistence des hommes entre eux.
Fidèle à la pensée de Pierre TEILHARD de CHARDIN, je crois que la sauvegarde du sens de l'évolution est un combat permanent qui doit nous rassembler tous pour préserver les conditions permettant au destin de notre monde, de notre univers, de se réaliser.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 30 novembre 2008