LES PRIMAIRES SOCIALISTES (SUITE)
Je reviens sur les primaires socialistes pour développer mon premier article publié sur le blog de l’Alliance Républicaine De Progrès et mieux expliciter ma position.
Tout d’abord, effectivement, le fait de faire des primaires ouvertes à tous ceux qui partagent les « valeurs de gauche » me gêne.
D’une part, parce que, selon moi, il existe des valeurs de la République que j’espère nous partageons tous, pour la plus grande majorité, à droite et à gauche, mais je ne comprends pas bien ce que sont véritablement ces « valeurs de gauche ». Par contre, je conçois effectivement que des options de politique gouvernementale puissent être différentes de celles de la droite, et d’ailleurs là encore, on voit bien que depuis la chute du mur de Berlin pour prendre un repère symbolique, les débats sont parfois, voire souvent, trans-partis !
Et, d’autre part, parce que je ne comprends pas bien le principe d’une primaire à gauche à partir du moment où tous les partis de gauche ne se sont pas entendu pour organiser de telles primaires. Que les socialistes fassent des primaires, cela, je le conçois fort bien, tout comme les « Verts » ont fait leurs primaires, d’ailleurs, sans que l’on soit aussi submergé par les débats comme nous le sommes actuellement. Mais que les socialistes organisent des primaires en ouvrant très officiellement le vote à tous ceux qui se réclament de ces fameuses valeurs de gauche, je suis plus sceptique. Est-ce que cela veut dire que, finalement, le candidat choisi sera celui de la gauche en prenant pour hypothèse que les autres candidats de gauche seront éliminés au premier tour ? Ce n’est pas très sympathique pour ces autres candidats et nous avons vu le 21 avril 2002 que c’était d’ailleurs un peu présomptueux. Est-ce une tactique pour favoriser tel ou tel candidat qui aurait l’heur de plaire à une partie de la gauche plus à gauche officiellement que le parti socialiste lui-même ? C’est un peu tendancieux comme manière de procéder… Bref, cela mériterait des clarifications à tout le moins, avec tous les partis de gauche encore une fois.
Et, nonobstant les polémiques qui ont entouré les critiques de l’UMP sur l’utilisation des fichiers électoraux et le recours à des salles municipales,…, simplement parce que c’était l’UMP qui engageait cette controverse j’imagine, je maintiens qu’il serait nécessaire de reconsidérer cette question, notamment à la lumière de la préservation de sa liberté d’opinion, qui peut être ainsi atteinte, et de la situation que cela créerait si tous les partis faisaient de même. Le débat là encore n’est pas sans intérêt, bien au contraire, et ne peut pas être écarté d’un simple revers de soi-disant « mesquinerie politique ».
Pour le reste, je me risquerais à un pronostic qui ira à l’encontre de cette belle unanimité médiatique un peu artificielle me semble-t-il sur le modèle de la tactique évoquée dans un précédent article. En résumé, il est difficile de ne pas attribuer à la presse une part de responsabilité dans l’importance consacrée à ces primaires, sans doute pour contribuer à en faire un succès et encourager les français « de gauche » à aller voter. C’est de bonne guerre.
Mais je me permets juste d’émettre un avis un peu différent sur le futur niveau de participation des français à ces primaires. En effet, les médias ont repris en cœur l’idée selon laquelle l’émission « Des paroles et des actes », sur France 2, ouvrant la série de débats opposant les candidats à la candidature socialiste était un énorme succès. Certes, ce fut un succès mais il faut le replacer dans son contexte. L’émission avait été tellement annoncée comme un événement qu’elle a attiré tous ceux, y compris à droite, qui voulaient se rendre compte par eux même des qualités des différents candidats, et connaître leurs propositions respectives. Il faut bien dire qu’à gauche aussi, c’était le moment idéal pour les mêmes raisons.
Alors, près de 5 millions de téléspectateurs pour ce premier débat des primaires quand Marine LE PEN juste avant sur TF1 en rassemble plus de 6 millions (6,3), tout comme le fera sur la même chaîne Tristane BANON (je ne mentionne pas l’interview sur TF1 de DSK poussant l’audimat vers les sommets pour ce genre d’émission, à 13 millions). Et si l’on prend la même émission, la déjà nommée Marine LE PEN aura intéressé 3,6 millions de téléspectateurs, pendant qu’Alain JUPPE, sans doute moins dans le « top ten » des hommes politiques désormais, n’aura rassemblé que 2,3 millions de téléspectateurs, ce qui n’est tout de même pas si mal. Tout cela pour dire, qu’une analyse plus poussée montrerait sans doute que le succès de ce premier débat télévisé des primaires socialistes est à relativiser. D’ailleurs, mais il est vrai à une heure d’écoute différente (18H00 / 20H00), et sur des chaînes moins « populaires », LCI ou LCP, le deuxième débat a mobilisé 600 000 téléspectateurs en moyenne, avec des pointes à 1 million, d’après les estimations publiées.
Je considère par conséquent que si 1 million de français se déplaçait pour ces primaires, ce serait un succès, car j’ai tendance à considérer que les nombreux téléspectateurs enregistrés ne seront pas nécessairement des votants. Je n’ai pas les chiffres précis du nombre d’adhérents au parti socialiste mais l’on doit se situer autour de 100 000, et c’est la raison pour laquelle mobiliser 1 million de personnes, adhérents socialistes et sympathisants, et citoyens de gauche concernés, ce serait un succès. Je doute par conséquent des chiffres de participation évoquant plusieurs millions de français qui fusent dans certains médias. Je crois que ces chiffres se désagrégeront lors de leur rentrée dans l’atmosphère concrète du vote…
Pour ma part, j’ai regardé le deuxième débat retransmis sur une chaîne adaptée pour ce genre d’émission (LCP), et non sur une chaîne publique telle que FRANCE 2 s’agissant d’un débat politique réservé à une simple partie des français (!). J’ai pu découvrir les personnalités des uns et des autres, ainsi que leurs propositions. Et, à ce titre, je redis que le principe des primaires me semble une bonne solution lorsqu’un parti n’a pas de candidat naturel (je pense ici à Nicolas SARKOZY, président sortant qui bénéficie d’une prime pour se représenter, relative d’ailleurs car un candidat de son parti aurait pu en théorie lui contester cette automaticité, mais je pense aussi aux partis fortement personnalisés comme le sont le Front National ou le MODEM, où l’on voit mal un autre candidat que Marine LE PEN ou François BAYROU représenter les couleurs de ces partis).
J’en profite pour redire à quel point je regrette que le parti socialiste n’ait pas réussi à se moderniser car on voit bien qu’un Manuel VALLS représente enfin une voie moderne de la social-démocratie, en étant, en tout cas à ce jour malheureusement bien minoritaire. Gageons que, quels que soient les résultats des élections présidentielles, il prenne en main les rennes de ce parti pour le faire évoluer et, en particulier, en modifie le nom comme, je crois, il l’a laissé entendre. En effet, au risque de choquer mais je m’en explique, il me parait curieux de conserver le mot « socialisme » quand on sait qu’il a été utilisé par les deux grandes idéologies destructrices du XX ième siècle : le Parti National Socialiste d’Hitler et l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques incarnés par ses différents dictateurs qu’il n’est pas besoin de nommer ici. J’ai eu l’occasion de contester dans un autre registre l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) au motif que tout parti avait nécessairement vocation à se revendiquer populaire. L’intitulé d’un parti doit bien exprimer selon moi ce qu’il prétend incarner.
Par ailleurs, j’aspire à un débat démocratique de qualité et c’est ce qui m’amène à espérer une évolution vers un parti « social-démocrate » afin de permettre de dégager des solutions constructives à l’issue d’un débat contradictoire reposant sur des arguments pertinents. Mais ce n’est qu’une opinion très personnelle évidemment et je comprends bien qu’elle puisse ne pas être partagée…
Donc primaires, oui, mais réservées à un parti ou organisées différemment si celles-ci doivent représenter un « camp politique », avec des règles d’organisation qui s’inscrivent mieux dans le cadre d’une année préélectorale en termes de temps de parole et de financement également. Car, en effet, même si je ne suis pas revenu sur ce point évoqué dans le précédent article déjà cité, les documents de communication diffusés dans ce cadre contribuent bien, d’une manière ou d’une autre à alimenter la campagne présidentielle de celui qui deviendra in fine le candidat du… parti socialiste. Alors, quid des comptes de campagne ?
En tout cas, pour conclure, le débat n’est pas clos et mérite que nos analystes politiques, juristes, hommes politiques, journalistes, et tous les autres, contribuent à le clarifier.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 2 octobre 2011