CONTRIBUTION DANS LE CADRE DU DEBAT SUR LA TURQUIE
Concernant la Turquie, nous ne sommes pas contre le développement de la Turquie, nous sommes au contraire favorables à ce que la Turquie intègre une Alliance européenne qui englobe un certain nombre de pays proches, de par nos liens historiques, mais qui ne font pas partie de l'Europe telle qu’elle était conçue par ses fondateurs (Turquie, Maroc, Tunisie,...Russie). Alliance européenne qui nous permettrait de resserrer nos liens avec ces pays sur le plan des échanges économiques et culturels mais qui préserverait ce qui peut encore l’être de l'Europe politique.
La surenchère de la Turquie sur l'attente du milliard et demi de musulmans qui attendrait ce signe d'ouverture de civilisation est une ébauche de ce qui se passera demain au coeur de l'Union européenne si la Turquie en était membre, avec une tension démultipliée et porteuse de conflit réel. Mettre le curseur sur la religion est un non sens car des pays musulmans ont vocation d’ores et déjà à intégrer l’Union européenne (l’Albanie par exemple).
Le développement des pays n'est pas dépendant d'une entrée dans l'Union européenne, on le voit bien à travers le monde ! Quant à dire qu’un referendum sur l’adhésion effective de la Turquie interviendrait dans dix ou quinze ans, c'est irresponsable eu égard au processus de négociation qui aura alors été engagé et qui, en cas d'échec de ce referendum, aboutirait à humilier la Turquie. Aux grands hommes, la patrie reconnaissante... Mais où est la vision dans cette proposition tendancieuse ?
Donc, je le répète, la seule manière de résoudre de façon honorable cet imbroglio, c'est d’en sortir par le haut avec la création d'une alliance européenne associant d'ores et déjà de nombreux pays. Cela tanguera certes un peu avec la Turquie mais la solution est acceptable.
Sinon, constatant que c'est finalement la Commission qui dirige l’Union européenne, et que la démocratie n'est pas honorée, je ne vois pas comme il serait possible de voter en faveur du projet de constitution européenne lors du prochain referendum, quelles que soient les qualités de ce texte. Ce sera une manière de dire non à cette Europe qui se construit sans tenir compte de l'opinion publique et en suivant un principe connu dans l'administration, la tendance à croître toujours plus sans très bien savoir jusqu’où. La grenouille voulant imiter le boeuf a eu cependant quelques déconvenues !
N'oublions pas enfin que nous sommes dans un mouvement de mondialisation, dans un monde multilatéral où le dialogue entre peuples et civilisations se poursuit sans pour autant être enfermé dans le carcan de blocs préconstitués. Le cadre institutionnel doit correspondre au projet que l'on se fixe. Quel projet nous propose-t-on pour l'Europe si elle s'étend au delà de toutes frontières géographiques naturelles ou cohérentes et de tout ciment commun de culture? La culture européenne, déjà largement diverse, et de plus en plus ouverte à des influences nouvelles en son sein, notamment sur le plan religieux, rappelons-le, se distingue aujourd’hui de la culture orientale. Ce n’est pas un jugement de valeur, c’est un constat de bon sens.
Et rien ne nous empêche par contre, nous, d'être visionnaires et de considérer que dans plusieurs décennies, voire à l'échelle d'un siècle et plus, l'Alliance européenne prenne sens dans un projet politique qui vienne rejoindre celui de l'Union européenne. Le recoupement serait alors possible et souhaitable. D’ici là, cependant, l’intégration des Etats sur un plan mondial aurait pris un tournant sans doute très novateur. Mais, quoi qu’il en soit, l'assimilation est toujours progressive, regardons tout simplement pour nous en convaincre l'histoire et le sens de l'évolution de l'homme.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 11 octobre 2004