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ALLIANCE REPUBLICAINE DE PROGRES

LES TEMPS NOUVEAUX …

27 Avril 2022 , Rédigé par Patrick CLEMENT

Pour faire suite à mon article précédent, je constate que les puissances de l'argent ont finalement réussi à remplacer le citoyen par le consommateur dans le monde occidental !

Et les Etats ne sont plus que leurs vassaux ; et les citoyens leurs esclaves consentants…

Les chocs internes au monde occidental se feront donc avec ceux qui conservent une logique d’appartenance plus nourrie et plus élevée, fondée sur des valeurs religieuses ou identitaires notamment, ou ceux qui dénient cette emprise des puissances de l’argent au plan national et international, et, par ailleurs, les chocs interviendront au niveau mondial avec les Nations ou blocs de Nations réfractaires à cette logique uniquement consumériste...

Je crois donc utile de reprendre la démonstration de mon article précédent, en plus synthétique cette fois-ci, les arguments sur lesquels je me fonde, et auxquels je vous renvoie, y étant développés très largement, avec toutes les références bibliographiques nécessaires concernant plus particulièrement l’analyse politique. 

Pour prendre une formule simple, je parlerai de « puissances de l’argent » dans mon propos ce qui est plus symbolique que « le monde économique » mais moins connoté idéologiquement que « le capitalisme ».

De tous temps, les puissances de l’argent ont su composer avec le pouvoir en place, quelle qu’en soit sa nature, Empire, Monarchie, République,… Finalement, cela ne constituait jamais un obstacle sérieux à leur expansion et surtout à leur finalité : l’accroissement des richesses et des profits.

Je crois que le XXième siècle a marqué le tournant de cette logique, à la suite des deux grands conflits mondiaux qui ont agité le monde et de l’expansion de la mondialisation économique qui a acquis une dimension systémique et globale.

Pour reprendre les termes de ces conflits mondiaux et la manière dont je les interprète, le constat a été tiré selon moi par les puissances de l’argent que l’Etat était un frein à leur développement et, même, pouvait constituer un danger. Afin de composer avec l’attente démocratique des peuples, elles ont donc considéré qu’il fallait maintenir les apparences du pouvoir étatique tout en tirant les ficelles en sous-main. Cela a marqué une vraie conscience de leur prise de pouvoir effective de la conduite du monde occidental, en visant le monde entier à terme.

Effectivement, lorsque l’on examine la réalité des mécanismes profonds de la deuxième guerre mondiale, en allant au-delà de la reconstruction narrative qui en a été faite sur le plan politique, que constate-t-on ? Hitler voulait construire une Europe centrée sur la puissance du Reich allemand, et donc de l’Etat allemand. Il faut toujours se rappeler qu’Hitler, tout en étant le dictateur effroyable que l’on connait, était attaché à l’amélioration du sort des plus humbles de son peuple, en s’inscrivant dans une démarche fondamentalement socialiste, et se revendiquait comme tel, tout en étant bien sûr en même temps passionnément nationaliste. Cette organisation collectiviste qu’il appelait de ses vœux sous la férule d’un Etat orwellien ressemblait pourtant trait pour trait à l’architecture étatique adoptée par l’Union soviétique. N’oublions pas non plus que Mussolini vient lui aussi du socialisme, tout en étant là encore lui aussi nationaliste, en même temps. Et enfin, l’on ne peut pas comprendre le pacte germano-soviétique de 1939 si l’on n’a pas en tête le point commun qui unissait ces deux entités : l’anticapitalisme, même si c’était ignorer que la volonté d’expansion territoriale de Hitler primerait sur tout le reste.

Quant au Maréchal Pétain, apparaissant comme un militaire prestigieux, favorable à la République et adepte de la stratégie défensive, il avait les faveurs de la gauche à ce titre, tout en séduisant la droite par son côté Catholique traditionnel qui se rapprochait le plus, selon moi, des Croix-de-feu : « Les Croix-de-Feu rejetaient tant le capitalisme que le communisme, mais aussi le fascisme et le nazisme, ils réclamaient l’ordre moral, méprisaient les partis politiques existants, en raison de leur optique intéressée, leur manque de discipline et (en ce qui concernait les radicaux-socialistes) leurs liens avec les Francs-maçons. Sur un plan plus positif, le programme visait la justice sociale, la limitation du capital, la coopération de l’industrie au sein d’une « profession organisée », la réforme de l’enseignement afin de protéger les croyances religieuses. (…) Lorsque, après avoir été interdit, le mouvement des Croix-de-Feu renaquit de ses cendres sous le nom de Parti Social Français, il lança un nouveau slogan : « Travail, Famille, Patrie » que Pétain devait se rappeler lorsque vint le moment d’établir les principes de son propre régime. » - p. 195 - Pétain de Herbert R. LOTTMAN – Editions du Seuil – 1984.

Rappelons enfin que les deux principaux partis collaborationnistes français à Paris étaient animés par des dirigeants issus du socialisme pour l’un et du communisme pour l’autre, car ils se retrouvaient dans le versant socialiste du national-socialisme et donc d’une emprise forte de l’Etat sur les citoyens compris comme individus et chefs d’entreprise. Je ne m’étends pas ici sur l’implication des ministres socialistes et radicaux-socialistes, ainsi que celle des fonctionnaires ayant servi sous le Front populaire, dans le régime de Vichy, mais le rappel de cette réalité permet de mieux comprendre la confusion des esprits et des idées qui a prévalu au début de la collaboration prévue par le traité d’armistice du 22 juin 1940 entre la France et l’Allemagne. Sans oublier bien entendu de mentionner le versant nationaliste du national-socialisme qui a attiré vers lui certaines franges de la droite française. Ni que le mot d’ordre en juillet 1940 du Parti communiste était de suivre la ligne de l’Internationale ouvrière socialiste - donc de collaborer avec l’Allemagne – prônée par Staline, auprès de qui Maurice THOREZ, Secrétaire général du PCF, était allé se réfugier dès 1939 pour fuir la guerre contre l’Allemagne.

Fidèle à notre objectif de concision, il convient tout de même de rappeler que ces dynamiques se sont mises en œuvre dans le contexte de la défaite sidérante de la France et du contrôle de la plus grande partie de l’Europe de l’Ouest par Hitler, en association alors avec l’Union Soviétique qui contrôlait l’Europe de l’Est après avoir contribué à dépecer la Pologne en 1940 et occupé les Etats baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) puis obtenu de la Roumanie la cession de la Bessarabie du Nord et de la Bucovine, sans parler de son offensive contre la Finlande… Le paysage européen témoigne donc d’une emprise manifeste d’Hitler mais, à partir de l’attaque contre son ancien allié, le 22 juin 1941, offrira une ligne de fracture entre ceux qui se verront comme les défenseurs d’une Europe national-socialiste face aux communistes incarnés par les bolchéviques de l’Union soviétique et qui constituent à leurs yeux la plus grande menace, et ceux qui suivront l’étendard des Etats-Unis et de leurs alliés.

En attendant, l’Angleterre est donc hors-jeu en 1940. Les Etats-Unis se refusent à rentrer en guerre. Seule une petite voix se fait entendre à Londres pour que la France poursuive le combat. Mais, en France, il faut bien composer avec l’occupant allemand dans le cadre du traité d’armistice. Et la question est plutôt de relever la France, abaissée, humiliée, pour qu’elle puisse retrouver sa place en Europe. François DARLAN, « l’Amiral rouge », tel que le surnomme certains depuis son entrée à l’initiative de Léon BLUM dans le gouvernement du Front populaire comme Commandant en chef de la Marine Nationale, poussera ainsi la collaboration avec l’Allemagne en 1941 jusqu’aux aux limites de la collaboration militaire. Tandis que Pierre LAVAL, revenu au pouvoir en avril 1942, fidèle à ses convictions socialistes, tentera de négocier pour la France une place auprès de l’Allemagne en vue de construire cette Europe socialiste qu’il espère plus que tout, même au prix de la victoire de l’Allemagne sur l’Union soviétique.

Quant à la SHOAH qui incarnera la plus infâme des initiatives du régime nazi, à cette époque, elle n’est même pas imaginable pour l’ensemble de ces acteurs.

Evidemment, comme je l’ai déjà indiqué, les cartes seront rebattues après notamment l’invasion de la Russie par la Wehrmacht le 22 juin 1941 (la date anniversaire du traité d’armistice signé avec la France !) et l’entrée en guerre des Etats-Unis faisant suite à l’attaque par les Japonais de Pearl Harbor le 7 décembre 1941.

Pour revenir à Hitler, celui-ci n’a fait que composer avec les puissances de l’argent dans les années 1930 pour s’assurer le réarmement dont il faisait la clé de voute de son pouvoir. On identifie d’ailleurs facilement dans sa trajectoire le moment où il comprend que les puissances de l’argent peuvent lui permettre d’accéder au pouvoir mais aussi et surtout ensuite de construire sa puissante armée. Pourtant, il a toujours confirmé jusqu’à la fin de sa vie son orientation idéologique tracée du temps de son passage au Parti National Ouvrier (programme en vingt-cinq points du 24 février1920) : une vision socialiste de la société, garantie par l’Etat, lequel serait contrôlé étroitement par le parti unique qu’il avait créé.

Quoi qu’il en soit, les puissances de l’argent ont ensuite été aussi largement mobilisées après la victoire des Alliés afin de reconstruire des Etats dévastés d’où, justement, pour celles-ci, leur prise de conscience clairement assumée de leur pouvoir et de l’émergence progressive de leur volonté désormais de diriger les affaires du monde et non plus seulement celles du monde des affaires stricto sensu …  

Même si la guerre froide a maintenu pendant quelques décennies encore cette divergence de conception entre une vision centrée sur l’Etat et celle, supra étatique, voire « a-étatique », dominée par les puissances de l’agent, avec l’effondrement de l’Union soviétique, les puissances de l’argent ont alors considéré que la victoire était totale ou en tout cas qu’elle était irréversible et allait s’étendre au monde entier. Et ce d’autant plus que la mondialisation en pleine expansion permettait de favoriser ce dessein en entraînant dans son sillage l’ensemble des continents et en assurant il est vrai une forme de développement économique à travers le monde entier.

Mais c’était compter sans la survivance de valeurs qui échappent à cette vision simplement consumériste et matérialiste, inhérente aux puissances de l’argent, qui emporte tout sur son passage faisant des citoyens de simples consommateurs interchangeables quelle que soit leur nationalité, « urbi et orbi », et asservis par conséquent à ces puissances de l’argent, leurs dirigeants étant quant à eux soumis à leur étreinte financière et parfois (bien souvent) pris dans les mailles de leurs tentacules corruptrices. Des valeurs spirituelles, et souvent religieuses, mais aussi des élans de résistance pour conserver à la patrie ou à un système politique ad hoc une logique qui surpasse la dimension simplement consumériste, restent pourtant encore fortes à travers le monde.

Que ce soit au sein des Nations elles-mêmes, ou de groupes de Nations (comme l’Europe par exemple), des lignes de fracture se dessinent, susceptibles de déboucher sur des affrontements. Mais cette logique consumériste occidentale trouve aussi des ferments de contestation à travers des cultures qui restent fortes, soit parce qu’elles sont ancrées dans une religion considérée comme le socle de la vie en société, soit parce qu’elles restent prises dans le ciment de valeurs propres à ceux qui ne se perçoivent pas comme de simples consommateurs mais comme des citoyens partageant un mode de vie commun au sein d’une même Nation, soit parce qu’elles expriment une idéologie plus internationaliste à forte consonnance anticapitaliste ou, plus récemment, s’inscrivant dans une vision écologiste de la planète portant parfois même une logique de décroissance.

Les chocs internes aux Nations et les confrontations entre Nations ou entre blocs de Nations sont donc à mon avis inévitables à brève échéance.

Que faire ? Il ne s’agit pas de renier l’apport des puissances de l’argent qui, dans leur course effrénée vers le profit, n’en apportent pas moins des ferments de progrès, notamment en matière d’innovation technologique dont chacun peut se féliciter (amélioration de la santé, des conditions de travail,…) et dont notre monde peut s’enorgueillir (exploration de l’espace,…). Mais il nous faut penser le monde en retrouvant la maîtrise de son développement, ce qui n’est plus le cas désormais. Les puissances de l’argent ne maîtrisent plus vraiment d’ailleurs elles-mêmes la marche en avant du monde et donc le sens que l’on souhaite donner à ce monde, et par conséquent à notre vie, et, finalement, à la Vie sur terre. Et ce n’est d’ailleurs pas leur objectif puisqu’elles se nourrissent de tout développement, sans vision éthique, humaniste, particulière.

Si j’ai conservé cet attachement à la vision gaullienne d’un engagement politique, c’est parce que je crois que Charles de Gaulle voulait profiter de la dynamique offerte par les puissances de l’argent tout en en conservant la maîtrise pour les mettre au service d’un projet de développement de société animé par ses dirigeants et sous le contrôle souverain du peuple. Voilà ce que nous avons perdu me semble-t-il et voilà ce vers quoi nous devrions nous réaligner. Au lieu de nous laisser entraîner par les puissances de l’argent et par un emballement de l’innovation au sens large du terme, nous devrions reprendre la maîtrise des choses. J’ai bien conscience que cela passerait par un meilleur contrôle de la part de nos instances étatiques de l’organisation de nos sociétés et de leur rythme d’avancement, et donc du monde plus globalement, et notamment des progrès offerts par les nouvelles technologies. Mais ce contrôle pourrait être mieux accepté grâce à la mise en œuvre régulière de consultations du peuple sur les grands sujets de société notamment, en prenant soin évidemment de leur ôter toute dimension politique au sens d’impact sur le gouvernement alors en place. Ce modèle plus occidental pourrait recevoir différentes adaptations bien entendu pour répondre à la diversité de notre monde multipolaire et multiculturel. Mais je pense que c’est à cela que nous devrions nous attacher pour éviter les confrontations intra nationales et extra nationales qui ne manqueront pas de nous heurter sinon, voire de nous absorber.

Comme toujours, nous serons sur une ligne de crète, évolutive fondamentalement, mais la connaissance, le dialogue et la raison doivent pouvoir nous guider dans cette définition progressive du sens du monde. C’est en tout cas ma conviction même si certains me prendront certainement pour un doux rêveur ou un idéaliste. Mais je suis au moins en accord avec ma conscience et, peut-être aussi, avec la conscience universelle…

 

Patrick CLEMENT

Boulogne-sur-Seine, le 27 avril 2022

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