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ALLIANCE REPUBLICAINE DE PROGRES

"LES MEMOIRES D'ESPOIR" DE CHARLES DE GAULLE... 30 ANS APRES !

2 Août 2018 , Rédigé par Patrick CLEMENT

En ce beau mois d’août frappé par une forte canicule, la lecture peut nous apporter quelques moments de fraîcheur et de méditation.

J’ai choisi de vous proposer de découvrir l’exposé réalisé en 1987 sur « LES MEMOIRES D’ESPOIR » de Charles de Gaulle, lors de mes études en DEA de Sciences Politiques (Diplôme d’Etudes Approfondies – équivalent au master 2 de nos jours) effectué à Paris II – Assas-Panthéon.

Sans doute la meilleure manière de tenter de vous faire comprendre pourquoi l’Alliance Républicaine De Progrès se revendique d’une filiation gaullienne, ainsi que votre serviteur par conséquent.

Je vous laisse juge !

 

EXPOSE EN DEA DE SCIENCES POLITIQUES – PARIS II PANTHEON-ASSAS (1987) :

« LES MEMOIRES D’ESPOIR » DE CHARLES DE GAULLE

(Citations / éditions PLON)

 

« Tous les hommes d’action furent des méditatifs ». Cette pensée exprimée par Charles de Gaulle en 1932 dans son ouvrage « Le fil de l’épée » constituera le fil conducteur de cet exposé (p. 32 – L’action de guerre – éditions PLON).

Méditatif, assurément, de Gaulle le fut. Un des élèves de sa promotion à l’école supérieure de guerre (mon grand-père maternel pour ne pas le nommer), le décrivait comme un homme taciturne qui se retirait volontiers à l’écart des autres.

Plus tard, il prendra un plaisir certain à retrouver sa résidence de la Boisserie et, comme il l’affirmait alors, « là, regardant l’horizon de la terre ou l’immensité du ciel, je restaure ma sérénité » (tome 1-p.311).

Mais, j’aimerais tout d’abord définir la manière dont j’utiliserai le temps qui m’est imparti. Je me suis attaché à un thème qui m’est cher, celui de la philosophie du pouvoir du général de Gaulle telle que je l’ai ressentie personnellement à la lecture des Mémoires d’espoir. Cependant, pour préciser d’emblée un point de méthodologie, j’ajoute que je m’appuierai sur différentes citations afin que mon approche n’apparaisse pas comme une pure vision de l’esprit. A l’inverse, il va de soi que, par le choix des citations, je m’implique complètement pour faire ressortir certains aspects peut-être moins connus de vous de Charles de Gaulle.

Reprenons maintenant notre phrase qui sera le support de cet exposé : tous les grands hommes d’action furent des méditatifs. Une remarque est d’ores et déjà nécessaire : la médiation n’étant pas comprise à mon sens comme le nerf de l’action mais comme un préalable indispensable à l’action. L’action nécessite en effet, pour être efficace, de s’appuyer sur un socle conceptuel solide et ordonné : l’action, au sens de prise de décision notamment, exige de ne plus être brimée par une réflexion trop abstraite.

Ce point étant précisé, les Mémoires d’espoir peuvent apparaître comme un récit événementiel des premières années du pouvoir de de gaulle. Ceci en raison de la présentation sous forme de chapitres sur les institutions, l’Outre-mer, l’Algérie, l’économie, l’Europe, le monde, le chef de l’Etat, pour le premier volume, « Le Renouveau », qui couvre les années 1958 à 1962. Il faut noter à ce propos que le second volume, « L’Effort », restera inachevé ; il devait couvrir les années 1962-1965. Tandis qu’un troisième volume, « Le Terme », aurait dû s’attacher aux années 1966-1969. Mais bien plus qu’un récit événementiel, de Gaulle nous dévoile au fond sa philosophie du pouvoir. Rappelons-nous en effet que, s’il est vrai que les idées ne valent que par les hommes qui les défendent, il faut que la réciproque soit vraie, les hommes ne doivent valoir que par les idées qu’ils soutiennent. Or, justement, il me semble véritablement impossible de comprendre toute l’action du général de Gaulle sans saisir cette philosophie du pouvoir qui l’animait, et qui constituait en quelque sorte le moteur de son action.

Et c’est là, à mon avis, la tâche première de l’historien : parvenir à s’imprégner de ce qui pousse fondamentalement tel personnage à penser ou à agir de telle ou telle sorte. Il s’agit de mettre à nu la structure mentale et donc de suivre le cheminement des pensées : leur impulsion, leur sens, leur objectif et donc leur portée. Tout comme l’historien, de même, doit parvenir à « voir » l’atmosphère d’une époque.

Dans cette optique, les deux volets de mon exposé seront constitués par deux axes que je distingue pour la clarté des idées mais qui s’entremêlent étroitement dans le lit de la réalité. Ainsi, le peuple comme interlocuteur privilégié de de Gaulle a pour corollaire de Gaulle comme incarnation de la France marchant vers son destin.

Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de prendre de Gaulle pour un mystique. Son action, il la remplit comme chacun sait, avec une conception d’un exécutif  fort et d’un chef de l’Etat qui domine les institutions. Mais, par-delà ce schéma, il me semble qu’un homme d’Etat comme de Gaulle tirait sa force de l’organisation de sa pensée en ce qui concerne le sens profond du pouvoir et de son rôle plus précisément. Et, loin de m’appesantir sur une réflexion métaphysique, j’aimerais prouver que ce sentiment profond sur le sens de la vie a influencé sa pensée tout comme l’a influencé sa connaissance parfaite de l’Histoire mais aussi de la Géographie.

Pour ce qui est de l’Histoire, il ne fait aucun doute que l’ambition du général de Gaulle était d’agir à la dimension de l’Histoire pour mener la France sur la route de la civilisation. Mais la Géographie occupait une place non moins importante dans son esprit. Il suffit pour s’en persuader de reprendre sa vision du peuple grec notamment :

« Ce peuple grec, disait-il, dont la vie politique est aussi dentelée que les côtes et complexe que le relief » (tome 1-p. 281).

De même, sa formation militaire demeure omniprésente dans la manière dont il conçoit la question du politique (ainsi que l’importance de l’effet psychologique pour mener à terme une politique).

Il convient donc maintenant d’approfondir le sujet. Et pour illustrer les deux thèmes que je me propose de développer, je vous livre le meilleur préambule qui puisse être à mon avis. Ainsi, en parlant des difficultés rencontrées pour résoudre le problème de l’Algérie, de Gaulle avance :

« J’ai de bonnes armes : la cuirasse dont me revêt le soutien lucide du peuple, le glaive qui est la certitude de suivre la seule route qui vaille » (tome 1-p. 118).

Le peuple comme interlocuteur privilégié de de Gaulle, c’est se remettre en mémoire les idées selon lesquelles il tire son autorité du peuple et il recherche son soutien par la suite. Bref, le peuple comme légitimité du pouvoir à sa source et dans son exercice.

La source du pouvoir, c’est le peuple même si, pour lui-même, des circonstances historiques exceptionnelles l’ont amené à prendre en main la destinée de la France. Et de Gaulle garde présent à l’esprit la manière dont les événements l’ont conduit à sa place :

« C’est sans droit héréditaire, sans plébiscite, sans élection, au seul appel impératif mais muet de la France que j’ai été naguère conduit à prendre en charge son destin et son unité. Si j’y assume à présent la fonction suprême, c’est parce que je suis, depuis lors, consacré comme son recours » (tome 1- p. 183).

Mais la relation qui le lie aux français est un élément essentiel pour prendre la mesure du rôle de guide qu’il se reconnait. En effet :

« C’est vers de Gaulle que se tournent les français. C’est de lui qu’ils attendent la solution à leurs problèmes. C’est à lui que va leur confiance ou que s’adressent leurs reproches. De mon côté, je ressens comme inhérents à ma propre existence le droit et le devoir d’assurer l’intérêt national » (tome1-p.284).

 

Il est vrai que de Gaulle répond de ses actes principalement devant le peuple car le souvenir des multiples crises ministérielles précédentes lui laissent un goût amer pour le moins. Ainsi, les partis ne représentent certainement pas la Nation et l’Etat ne doit pas redevenir « la proie des factions multiples divergentes et dévorantes, qui l’avaient dominé, abaissé et paralysé si longtemps » (tome2-p.14). Dans un tel contexte, « le Parlement, s’il délibère et vote les lois et contrôle le ministère, a cessé d’être la source d’où procèdent la politique et le gouvernement » (tome1-p.291).

 

Mais surtout, si de Gaulle s’appuie sur le peuple, c’est parce qu’il lui attribue des vertus essentielles à la bonne marche de la patrie. Ainsi, il affirme :

« La grandeur de la France n’a jamais été faite que par la masse de ses enfants » (tome1-p.157).

 

Et, plus profondément, il précise le fondement de cette foi dans le peuple en mettant en parallèle le dynamisme de la capitale et la campagne qui demeure « la source de la vie, la mère de la population, la base des institutions, le recours de la patrie » (tome 1-p.164).

 

Vous pouvez mieux comprendre maintenant la vitalité de ce contrat liant de Gaulle au peuple. Le suffrage universel direct apparaissant comme l’aboutissement de cette confiance exprimée au chef de l’Etat, du fait même de son rôle conféré dorénavant par la Constitution. Rôle de garant du destin de la France et de la République. Cette relation se déduit clairement du discours qu’il prononça à propos du référendum de 1962 :

« Comme toujours, je ne peux et je ne veux rien accomplir sans votre concours. Comme toujours, je vais donc vous le demander. Comme toujours, c’est vous qui déciderez » (tome2-p.34).

 

Ainsi, l’origine, la base, le ressort de la République réside dans l’accord direct du peuple et de son guide.

 

Le peuple comme source du pouvoir doit se concevoir dans la durée. Ainsi, l’exercice du pouvoir doit être légitimé par l’appui, le concours du peuple. Le pouvoir doit s’exercer pour et avec le peuple.

 

S’exercer pour le peuple tout d’abord. Affirmer que le pouvoir doit avoir pour préoccupation le sort du peuple n’est pas une simple affirmation empreinte de démagogie, loin s’en faut. J’aimerais pour vous en convaincre lire une citation qui éclaire sa vision tout à fait originale de la société, vision qui se veut conforme au bien-être de l’Homme et de la société elle-même dans son ensemble. Renvoyant dos à dos le capitalisme qui, malgré le progrès qu’il génère ne véhicule pas un projet à visage humain et, d’autre part, le communisme, en tant qu’il débouche sur le totalitarisme, de Gaulle s’engage sur une voie plus humaine :

« Condamnant l’un et l’autre des régimes opposés, je crois donc que tout commande à notre civilisation d’en construire un nouveau, qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe aux résultats de l’entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d’être, pour sa part, responsable de la marche de l’œuvre collective dont dépend son propre destin. N’est-ce pas là la transformation sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l’ordre politique les droits et les devoirs du citoyen » (tome1-p.144).

 

Le thème de la participation, cher à de Gaulle, est repris plus loin en ces termes :

« Mais mon devoir social demeure. Sans doute, le malaise des âmes qui résulte d’une civilisation dominée par la matière, ne saurait-il être guéri par quelque régime que ce soit. Tout au moins pourrait-il être un jour adouci par un changement de condition morale, qui fasse de l’Homme un responsable au lieu d’être un instrument » (tome2-p.122).

 

Et il poursuit :

« Il faudrait une organisation où chacun serait un sociétaire en même temps qu’un employé » (tome2-p.122).

 

Cette notion d’association entre les hommes doit faire qu’une société soit une société. Ne voit-on pas là poindre une notion qui nous est familière même si la carapace est différente : l’Homme n’est un animal social que s’il est concerné, impliqué par la société dans laquelle il vit.

 

Et si de Gaulle sait bien que les grands changements doivent attendre l’occasion favorable pour prendre forme, il n‘en demeure pas moins attaché à l’esquisse d’une société plus conforme à la nature humaine sans être pour autant utopiste ou néfaste à l’indispensable progrès humain.

 

Comme je vous l’ai décrit, l’exercice du pouvoir selon Charles de Gaulle a pour vocation la prise en compte du sort du peuple pour aller de l’avant, et c’est justement ce qui justifie le concours du peuple à l’orientation de la politique poursuivie. Rien n’est plus sûr pour lui :

« La tâche de l’Etat consiste donc, non pas à faire entrer de force la Nation dans un carcan, mais à conduire son évolution » (tome1-p.159).

 

Le contrat entre les français et de Gaulle a besoin de ne pas rester lettre morte, il doit vivre et pour cela, le contact humain doit être la pierre de touche de celui-ci : il est nécessaire qu’existe et se maintienne un accord fondamental, un lien vivant. Les voyages en Province seront à cet égard une constante essentielle à l’exercice du pouvoir. La télévision, de même, permettra de répondre à cette ambition. De Gaulle en prend l’engagement :

« Mais c’est au peuple lui-même et non seulement à ses cadres, que je veux être lié par les yeux et par les oreilles. Il faut que les français me voient et m’entendent, que je les entende et les voie. La télévision et les voyages publics m’en donnent la possibilité » (tome1-p.301).

 

Ce caractère est éminemment nécessaire au resserrement de l’unité nationale. Car, face aux divergences historiques qui opposent les français entre eux, de Gaulle se pose en rassembleur, il est le ferment de l’unité. En effet, il s’efforce de rassembler les cœurs et les esprits pour susciter l’effort national. Le peuple, dans cette perspective, est associé à de Gaulle dans l’action politique. De Gaulle fait part à plusieurs reprises de cette communion :

« … des moissons d’impressions et de précisions sont récoltés au cours de ces tournées » (tome1-p.306).

 

Et plus loin encore :

« Au retour à Paris, les conclusions que je tire de mes voyages et les observations qu’en rapportent les ministres qui m’ont accompagné contribuent à éclairer l’action du gouvernement » (tome1-p.307).

 

Pour être la France, en définitive, de Gaulle a besoin de la sentir, de s’en imprégner. Il peut alors sortir de la nécessaire distance du haut de laquelle il se retranche et qu’il justifie lui-même par la stature inhérente à un chef de l’Etat.

 

Mais si le peuple est omniprésent dans sa pensée, certaines indications inclinent à nous faire songer qu’il s’agit peut-être de bien plus que le peuple. En effet, dans le chapitre consacré à l’Algérie, il déclare :

« Il me faut à grand peine porter ailleurs l’ambition nationale. Cette tâche, je sens que la France m’appelle à l’accomplir. Je crois que le peuple m’écoute. Au jour voulu, je lui demanderai s’il me donne raison ou tort. Alors, pour moi, sa voix sera la voix de Dieu » (tome1-p.87).

 

Nous pouvons comprendre : cette voix sera comme la voix de Dieu ou bien, le peuple sera le porte-parole de Dieu. Mais lorsque l’on sait que de Gaulle est imprégné du sentiment selon lequel c’est l’Histoire qui mène les hommes vers leur destin, je penche plutôt pour la seconde proposition. Le peuple, parce qu’il est un acteur de cette histoire, constitue le maillon qui permet au destin de se révéler. Peut-on alors penser que le peuple serait à la démocratie ce que l’hérédité était à la monarchie de droit divin ? Je vous laisse bien sûr libre arbitre et je vous abandonne cette réflexion. Par contre, je conserve de cette citation l’idée d’ambition nationale car celle-ci va me servir directement pour le second volet de cet exposé.

 

Toutefois, je laisserai le soin à Charles de Gaulle d’assurer la transition :

« Pour créer l’irrévocable, j’appellerai le peuple à approuver mes décisions par-dessus les calculs, les embarras, les compromis. Bref, je mènerai le jeu de façon à accorder peu à peu le sentiment des français avec l’intérêt de la France en évitant qu’il y ait jamais rupture de l’unité nationale » (tome1-p.90).

De Gaulle, comme incarnation de la France marchant vers son destin.

Si la France doit redevenir solide sur le plan interne, c’est pour mieux s’exprimer sur la scène internationale.

Mais procédons par ordre. Redonner à la France sa dimension véritable, c’est d’abord la doter d’institutions qui soient à la mesure de cette ambition. Sur ce sujet, je serai bref car le discours de Bayeux de 1946, préfigurant les institutions de 1958, demeure certainement dans vos mémoires.

 

Tout d’abord, c’est vers le sommet de l’Etat que nous devons diriger nos regards. Et là, aucune ambiguïté n’est possible pour de Gaulle :

« Notre pays étant ce qu’il est, le bon sens commande de n’y point confondre en une seule personne le rôle suprême de chef de l’Etat, à qui incombe le destin, c’est-à-dire le lointain et le continu, et la charge seconde de Premier ministre qui, au milieu des saccades de toutes les sortes et de tous les jours, mène l’action du moment et dirige les exécutants » (tome2-p.68).

 

De Gaulle, guide de la France, pour laquelle il fut son recours par deux fois et demeure son recours éventuel, considère qu’il a une mission historique à remplir. Et comment pourrait-on lui faire grief de ne pas se sentir tout à fait comme les autres, avec la vie qui fut la sienne et la place qu’il occupa. Il suffit notamment de reprendre la conférence au Sommet de Paris de 1960 pour se rendre compte du sentiment de puissance que de Gaulle ressentait. Voici très brièvement comment il décrit la scène :

« Le 16 mai, les quatre délégations prennent place autour de la table. J’ai mis à ma droite les anglais, à ma gauche les soviétiques, en face les américains » (tome 1-p.263).

 

Et pourtant, de Gaulle reste un homme. Pour s’en persuader, nous pouvons nous reporter à la manière dont il se décrit lors de la préparation des messages télévisés :

« Pour ce septuagénaire, assis seul derrière une table sous d’implacables lumières, il s’agit qu’il paraisse assez animé et spontané pour saisir et retenir l’attention, sans se commettre en gestes excessifs et en mimiques déplacées » (tome1-p.302). [Né en 1890 !]

 

Ceci dit, il n’est pas besoin de s’appesantir plus car chacun sent bien ce que de Gaulle devait éprouver après avoir mené une telle vie et se retrouver de nouveau à la tête de l’Etat. Et l’on comprend mieux que ce cheminement personnel, il voulait qu’il devienne celui de la France :

« J’ai voulu que la France reparaisse dans les pensées, les activités et les espoirs de l’univers, au total qu’elle recouvre son indépendance et son rayonnement. C’est bien là ce qui se passe. Sur la pente que gravit la France, ma mission est toujours de la guider vers le haut, tandis que toutes les voix d’en bas l’appellent sans cesse à redescendre. Ayant une fois encore choisi de m’écouter, elle s’est tirée du marasme et vient de franchir l’étape du renouveau. Mais à partir de là, comme hier, je n’ai à lui montrer d’autre but que la cime, d’autre route que celle de l’effort » (tome 1-p.313).

 

Et si l’économie occupe la moitié de son temps, afin que la France ait les moyens de sa politique, c’est bien la France dans le monde qui modèle son projet.

 

De gaulle est intimement convaincu que la France doit jouer un rôle essentiel sur le plan mondial :

«  Le peuple français avait, pendant des siècles, pris l’habitude d’être le mastodonte de l’Europe et c’est le sentiment qu’il avait de sa grandeur, par conséquent de son unité, alors qu’il est par nature, et cela depuis les Gaulois, perpétuellement porté aux divisions et aux chimères. Or, voici que les événements, je veux dire : son salut à l’issue de la guerre, de fortes institutions, la gestation profonde de l’univers, lui offrent la chance de retrouver une mission internationale, faute de laquelle il se désintéresserait de lui-même et irait à la dislocation » (tome1-p.189).

 

Regarder vers un but commun, vers une mission dans laquelle chacun puisse se retrouver, voilà ce qui permet à la France d’être une et voilà ce à quoi veut parvenir de Gaulle, en faisant de cette ambition un véritable domaine réservé. Mais n’est-ce-pas dans la logique de sa pensée, lui qui attribue au chef de l’Etat la tâche de mener la France vers son destin ?

 

La philosophie de Charles de Gaulle, comme il le reconnait  précisément, se traduit en ces termes :

« L’effort intérieur de transformation, la stabilité politique, le progrès social faute desquels elle serait décidément vouée au désordre et au déclin, exigent qu’elle se sente, cette fois encore dans son histoire, revêtue d’une responsabilité mondiale » (tome1-p.176).

 

Dans cette optique, la règle d’or consiste à permettre à la France d’être indépendante et de retrouver son statut de grande puissance. Le rôle joué par la France doit être le rôle défini par la France et par elle seule. Mais il s’agit d’ouvrir à cette occasion une parenthèse sur l’Europe. Car si de Gaulle s’opposait à l’idée de supranationalité avec force, l’idée d’une Europe unie lui était chère. Europe unie qui ressort d’une vision originale de la situation puisque celle-ci aurait eu à terme pour cadre l’Europe de l’Atlantique à l’Oural. Car, en effet, c’est sur les points communs, évidents, entre ces différents peuples que se fonde la pensée du général de Gaulle. Mais cette juxtaposition ne peut être le fait que de l’établissement progressif de solidarités multiples, que ce soit économiques, culturelles, politiques.

 

Cependant, ne doutons pas que dans cette « coopération politique organisée », de Gaulle réservait à la France un rôle d’impulsion de première importance.

 

Voici précisément l’état de ses réflexions :

« Ma politique vise donc à l’institution du concert des Etats européens, afin qu’en développant entre eux des liens de toutes sortes grandissent leur solidarité. Rien n’empêche de penser, qu’à partir de là, et surtout s’ils sont un jour l’objet d’une même menace, l’évolution puisse aboutir à leur confédération » (tome1-p.182).

 

Pour l’heure, le sort de la France constitue la préoccupation première. D’ailleurs, le résultat se dessine clairement pour le général de Gaulle :

« Le changement de la situation morale, diplomatique et matérielle de la France déclenche vers Paris des visites qui iront en se multipliant et contribueront à faire de notre capitale un centre de politique mondiale plus actif qu’il ne l’avait été depuis des générations » (tome1-p.274).

 

Cette volonté politique traduit une espérance qui apparait beaucoup plus profonde qu’une manœuvre politicienne. Ainsi, en parlant de Couve de Murville, de Gaulle révèle au fond son sentiment intime :

« Il a la foi, persuadé que la France ne saurait durer qu’au premier rang, qu’avec de Gaulle on peut l’y remettre, que rien ne compte ici-bas excepté d’y travailler » (tome1-p.181).

 

Je crois, pour clore ce point, qu’il faut comprendre que cette ambition constituait en quelque sorte un sentiment profond et probablement pas un projet qu’il faut réaliser quels que soient les obstacles, par-dessus tout. Ces réserves étant exprimées, cette citation apparaîtra dans la logique des précédents développements :

« Quand il s’agit de la paix des hommes, c’est auprès de nous que viennent s’expliquer les dirigeants de l’Est et de l’Ouest. Notre indépendance répond donc, non pas seulement à ce qu’exigent l’estime et l’espérance de notre peuple lui-même, mais encore à ce qu’attend de nous tout l’univers. Pour la France, il en résulte à la fois de puissantes raisons de fierté et de pesantes obligations. Mais n’est-ce pas sa destinée ? Pour moi, cela ne va pas sans l’attrait et aussi le poids d’une lourde responsabilité. Mais suis-je là pour autre chose ? » (tome1-p.282).

 

La destinée de la France est donc tracée. Or, à ce moment de l’Histoire, de Gaulle est la France. Le destin reprend alors droit de citer encore. Et c’est à propos de l’attentat du 22 août 1962 que de Gaulle nous invite à en prendre conscience :

« La fin de la colonisation est une page de notre histoire. En la tournant, la France ressent à la fois le regret de ce qui s’est passé et l’espoir de ce qui va venir. Mais celui qui l’a écrite pour elle doit-il survivre à l’accomplissement ? Au destin d’en décider ! Il le fait le 22 août 1962 » (tome1-p.137).

 

En échappant à l’attentat, de Gaulle se sent désigné pour continuer à conduire la France vers sa destinée.

L’écriture est une arme à double tranchant : c’est un formidable instrument de communication mais du fait que celle-ci soit figée, cela peut devenir un formidable instrument de déformation de la pensée exprimée. Si j’ai entrepris de tenter de lever un voile de ce personnage hors du commun qu’était de Gaulle, il faut comprendre que les différents aspects que j’ai retenus de ces Mémoires d’espoir doivent prendre toute leur valeur dans le contexte de la vie et de l’époque qui furent les siennes.

Si les hommes d’action furent des méditatifs, cela ne veut pas dire pour autant que leurs méditations aient constitué pour eux un programme d’action rigoureux. C’est plutôt que leurs médiations ont constitué une atmosphère conceptuelle qui leur a permis d’agir dans telle direction, bref il s’agit d’une sorte de ligne d’horizon idéale.

L’Etat, les Français, la France, Dieu, sont là les quatre composantes qui m’ont semblé indispensables à la bonne compréhension de la pensée de Charles de Gaulle. Un tel homme n’aura plus fondamentalement sa raison d’être lorsque la houle de l’histoire se sera apaisée. Il demeure que l’âme gaullienne perdure dans nos esprits.

 

FIN

EXPOSE SUR « LES MEMOIRES D’ESPOIR » de CHARLES DE GAULLE

Retranscription sur ordinateur achevée le 2 août 2018

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