TRENTE ANS APRES…
Alexandre DUMAS avait préféré situer la suite des « Trois Mousquetaires » « Vingt ans après »…
Oh évidemment, je pourrais remonter avant 1986 et me remémorer par exemple la visite faite à mes cousins dont les parents venaient d’emménager dans un bel appartement situé dans les nouveaux immeubles construits à Garges-lès-Gonesse, à la fin des années 1960. Comme eux, dès les années 1970, les cadres moyens français ne resteront pas longtemps et s’en iront au fur et à mesure de l’arrivée de populations immigrées de plus en plus nombreuses et compte tenu de la dégradation du climat notamment en termes de sécurité pour les enfants. C’est un souvenir, pas une opinion.
Je pourrais également choisir un autre évènement au tout début des années 1980, lorsque les Champs-Elysées étaient pris d’assaut le soir de la Saint-Sylvestre par des grappes de maghrébins qui se précipitaient sur toutes les jeunes filles, ou jeunes femmes, ou moins jeunes d’ailleurs, pour les embrasser de manière insistante à l’heure dite du passage à la nouvelle année. Ambiance pesante lorsque l’on a une vingtaine d’années et que l’on découvre ce spectacle car l’on se sent dépassé par le nombre et inquiet soi-même pour son entourage féminin en se demandant si cela n’allait pas dégénérer. Trente-cinq ans déjà et ce n’était ni Cologne, ni Stockholm,… mais Paris, dans des proportions moindres évidemment. C’était la rencontre avec une population masculine "nouvelle" ayant un rapport particulier avec le sexe opposé…, ce qui n’exclut pas bien entendu que des français « de souche » aient eux aussi des comportements déplacés à l’occasion.
Certes, ces époques recélaient bien d’autres problèmes qui n’avaient rien à voir avec l’immigration. Et ces nouveaux français pouvaient à titre individuel se révéler des compatriotes plus que parfaits. Il s’agit juste d’illustrer en l’occurrence par des exemples précis, vécus, des phénomènes de masse constatés concrètement. Témoignage pour les plus jeunes…
Mais si j’ai choisi 1986, c’est parce que, sans consulter les archives de l’époque, j’ai en mémoire une claire prise de conscience alors des dangers que pouvait faire courir à notre pays une immigration massive, incontrôlée, qui non seulement fragiliserait les capacités d’intégration du pays mais ensuite aussi d’assimilation pour les générations suivantes. Georges MARCHAIS, secrétaire général du Parti communiste, avait déjà lancé son cri d’alarme depuis quelques années pour s’inquiéter du nombre trop important d’immigrés en France. Rappelez-vous les programmes des élections législatives de 1986. Rappelez-vous la montée du Front National, symptôme de cette sourde inquiétude gagnant les français. C’était il y a trente ans. C’était hier. Et pourtant cela fait une éternité déjà…
Qu’avons-nous fait depuis ? Ou plutôt, qu’a fait cette génération politique pour prendre la mesure de cette menace pour l’équilibre de notre Nation, de nos Nations en Europe ?
Voyez-vous, si je fais référence à cette période, ce n’est pas pour vous dire « Regardez, on vous l’avait bien dit ». Non. Enfin, oui, on vous l’avait bien dit. Mais je n’ai même pas le cœur à m’en réjouir. J’ai plutôt envie de hurler, ou de pleurer, en me demandant pourquoi on n’a pas réussi à convaincre les français. Pourquoi cette génération politique, de manière inconsciente ou folle à gauche, et par lâcheté à droite, ou pour complaire au patronat (mais oui, c’est une réalité évidente, avérée, en partie du moins), n’a-t-elle pas anticipé les maux que notre pays va désormais devoir affronter très certainement dans la violence. En découvrant de plus tardivement un dégât collatéral, la montée de l’islamisation en tant que revendication communautariste d’une partie de la population musulmane, nos gouvernants semblent aujourd’hui s’étonner…
Ah, c’est la faute à la démographie mon bon peuple. Mais Alfred SAUVY nous avait alertés voilà plusieurs décennies sur la nécessité d’avoir une politique familiale audacieuse pour renforcer notre taux de natalité. Alors, pourquoi ouvrir grand les portes de notre pays ?
Sans doute, comme je l’ai déjà évoqué, pour prendre le contrepied de cette lutte fratricide et meurtrière du milieu du XXième siècle entre Nations européennes puis mondiales en inoculant l’antidote parfait, le multiculturalisme au sein de chaque Nation, pour éviter que les Nations ne s’affrontent demain...En 1986, pourtant, en tout cas pour autant que je m’en souvienne, le diagnostic était déjà clairement établi et largement partagé… à droite, et pour tout observateur objectif, alors même que les revendications religieuses, et en fait communautaristes de certains musulmans, allaient bientôt se révéler au grand jour. Donc, on peut dire que ces bonnes intentions, compréhensibles au lendemain de la seconde guerre mondiale, et justifiées par le manque de main d’œuvre, n’étaient vraiment plus d’actualité face aux réalités qui s’imposaient déjà petit à petit.
Est-ce alors parce que la génération politique qui accédait au pouvoir était imprégnée par les "Trente Glorieuses" et le discours libre échangiste en vogue encourageant les déplacements de population, l’immigration étant considérée comme une chance, et un intérêt sur le plan économique … ? Oui, mais voilà, en 1986 justement, on pouvait déjà voir les risques de dérive. Alors, pourquoi n’a-t-on pas vu ? Ou plutôt, pourquoi a-t-on fermé les yeux car on voyait bien ?
On pourrait aussi incriminer une technocratie qui prenait le pouvoir pour la première fois dans l'histoire de l’humanité au niveau mondial et, pour nous, au niveau européen aussi. Technocratie qui, évoluant dans un espace supranational, voyait l’avenir du monde et, pour nous, de l’Europe, sans Nation au fond. Un peu de tout cela sans doute. De brillants intellectuels l’ont mieux exprimé que moi. Sont-ils pour autant entendus ?
Mais comment peut-on imaginer qu’Angela MERKEL, qui voici quelques années faisait le constat de l’échec du multiculturalisme, se soit mise tout à coup en 2015 à crier « urbi et orbi » que tous les « damnés de la terre » étaient les bienvenus en Allemagne. Oui, j’exagère, les « réfugiés »… Croyez-moi ou non, j’ai rarement reçu un tel choc dans ma vie sur le plan politique, car c’est l’avenir de nos Nations et de l’Europe qui est en jeu. Depuis 1986, je sème mes petits cailloux, fort modestement, et avec une efficacité je le reconnais quasiment nulle, mais je sentais ces derniers temps un frémissement tout de même devant l’évidence des difficultés d’intégration, sans même parler d’assimilation, auxquelles nous assistions. Et patatras !
Et que dire des médias devenus encore plus inconscients dans une surenchère organisée avec notre technocratie européenne et nos intellectuels « bien-pensants » qui se propageait au-delà des frontières. Non, je ne comprends pas. Et c’est sans doute ce qui est le plus dur à surmonter. Je n’arrive pas à comprendre la bêtise de nos Nations, la bêtise de ceux qui devraient nous éclairer, journalistes, intellectuels, politiques… Pourquoi ce monde est-il devenu aveugle ? Est-ce la logique d’une fin de cycle ? Je me le demande sérieusement. Oui, je sais, comme d’autres l’ont fait. Les civilisations sont mortelles, à l’évidence ! Mais, comme j’aime comprendre, je ne me résous pas... à ne pas comprendre. A quoi est dû cet aveuglement ? Je pense avoir suffisamment de recul sur la vie politique pour être lucide et avoir désormais une certaine capacité à analyser l’actualité. Comment se fait-il alors que je ne comprenne pas cet aveuglement de nos élites depuis… au moins 1986 ?
Je crois à l’intégration, étape indispensable vers l’assimilation qui ne peut intervenir en fait que pour les générations suivantes, grâce à leur immersion depuis leur enfance dans une société qu’ils reconnaissent comme leur. Mais je crois à la limite des capacités d’intégration dictée par deux règles simples : le nombre d’arrivants et le temps. En n’ayant pas préservé un rythme raisonnable d’arrivée des immigrés dans un temps donné, c’est toute la chaîne d’intégration et ensuite d’assimilation qui a été rompue, favorisant le communautarisme et donc le multi-culturalisme sur un même territoire. En effet, je doute que le communautarisme structurel soit un élément de cohésion de la communauté nationale et facilite l’intégration. C’est un vrai défi qui s’amplifie au fur et à mesure de l’arrivée de populations venant gonfler ces diverses communautés de plus en plus hermétiques.
A cela s’est ajouté bien évidemment l’évolution de la religion musulmane vers une forme d’islamisation du pays en tout ou partie, prônée par certains musulmans, de plus en plus nombreux malheureusement, et non plus comme une croyance religieuse relevant de la liberté de chacun, au premier chef de ceux qui étaient issus de pays musulmans. Je vous renvoie à mes précédents articles sur la question.
J’ajouterai juste un mot sur la récente polémique relative au port de la kippa. Eric ZEMMOUR a eu le courage de rappeler que l’affirmation de la religion par des signes extérieurs tels que la kippa portée en public était un phénomène somme toute récent pour les juifs. Si on ne peut pas imposer aux juifs de s’abstenir de porter la kippa dans la rue, je trouverais logique de leur rappeler, comme je l’ai fait pour les musulmans qui multiplient les signes extérieurs d’appartenance à leur religion dans une sorte de défi perpétuel lancé à la République, qu’il serait souhaitable que chacun fasse preuve de discrétion en la matière. J’ai bien conscience que le simple fait d’être identifié comme juif peut dans certaines circonstances exposer à la violence de certains musulmans, ce qui est évidemment insupportable et fermement condamnable, et cela peut arriver sans porter la kippa d’ailleurs. Mais je maintiens mon point de vue concernant son port dans la rue, indépendamment des conséquences potentielles en termes d’exposition à un risque.
Comme je l’ai déjà exprimé, pour moi comme pour de nombreux français, en limitant mon propos à la France, je considère que ces manifestations extérieures ne relèvent que d’une forme de soumission à des règles qui relèvent de la foi purement et simplement, et qu’il conviendrait dans toute la mesure du possible de les confiner à la sphère privée ou aux lieux de culte. Je sais que je ne serai pas compris facilement par mes compatriotes juifs et musulmans, même si je le souhaiterais vivement, mais se conformer à de telles observances n’a aucun sens pour moi dans la mesure où tout cela relève de la volonté des hommes et non de Dieu qui n’a que faire de ce genre de règles vestimentaires ou d’hygiène alimentaire notamment, venues en fait d’un âge ancien, pour autant que l’on croit en Dieu bien entendu. C’est la raison pour laquelle l’ensemble de ces comportements doit éviter de heurter l’autre. La liberté des uns s’arrête là où commence celle d’autrui. Ma liberté c’est de ne pas subir la croyance religieuse de tel ou tel dans son apparence et son comportement public, en tout cas de manière revendicative et fortement visible. Cela est valable pour toute religion ou croyance spirituelle. Car sinon, nous risquons la surenchère de signes extérieurs qui, au-delà de témoigner de l’appartenance marquée à telle ou telle religion, finissent par exprimer une forme de désolidarisation vis-à-vis de ceux qui n’en font pas partie. A force de se distancier de l’autre, le fossé se creuse et le risque d’ignorance de l’autre, voire évidemment plus grave d’affrontement, se fait sentir plus fortement. C’est la logique des choses.
Pour reprendre notre propos, 30 ans après, 2016 sera-t-elle l’année d’une véritable prise de conscience ? Quel plus beau vœu formuler pour notre pays, pour l’Europe, pour notre monde. Pour nous recentrer sur la France, les choix vont se clarifier sur le plan de l’offre politique qui sera la nôtre en 2017 lors des élections présidentielles. Mais je ne vois pas d’hommes politiques, ou de femmes politiques, capables de tenir un discours prouvant la totale compréhension des défis auxquels nous sommes confrontés, tels que je viens de les évoquer, en dehors bien sûr des difficultés économiques évidentes. Non, je ne l’entends pas. Et je l’attends. Car sans cela, je ne concevrais cette étape dans notre vie politique que comme une nouvelle occasion manquée. Mais notre crédit étant largement épuisé, dans cette hypothèse, je crains le pire pour notre avenir à moyen terme mais peut-être aussi à très court terme.
En dehors des réformes en matière économique et sociale dont seule la lâcheté empêche la mise en œuvre dès aujourd’hui, je crois que celui qui voudra recueillir l’adhésion des français devra également faire preuve de courage dans tous les autres domaines à réformer. Il lui faudra une énergie extraordinaire pour cela et une vision de notre pays, de l’Europe et de notre monde qui ne soit pas qu’un simple condensé des poncifs ressassés habituellement. Je n’ose donner des exemples tant ils sont réducteurs tellement le champ est vaste… Sera-t-il capable de revenir sur le découpage abracadabrantesque des régions ? Mettre un terme à la Métropole du Grand Paris ou tout au moins la réduire à cet espace de coopération intercommunale initié d’ailleurs notamment par Pierre MANSAT, élu communiste de Paris, ce qui prouve que les bonnes idées ne sont pas nécessairement liées aux étiquettes politiques ? Proposer un référendum pour revenir sur le mariage homosexuel et ouvrir la possibilité aux personnes du même sexe de contracter par exemple une union civile ? Remettre l’éducation nationale sur le bon chemin en vérifiant en particulier que chaque enfant ait le niveau pour passer dans la classe supérieure ou entrer au collège ou au lycée… ? Engager la remise à plat d’une Europe devenue folle et de plus en plus autoritariste (les griefs ne manquent pas en la matière mais je souhaite dénoncer ici cette attaque toute récente de la Pologne par la Commission européenne sans prendre en considération l’attitude des précédents gouvernants de ce pays, et en fermant les yeux par exemple sur la situation similaire en France en matière de mainmise du pouvoir sur l’audiovisuel public par exemple, le CSA, …) ? Lancer la réflexion sur un système médiatique qui étouffe la vérité à l’aune de considérations idéologiques ? Revoir de fond en comble les conditions d’accueil des immigrés, des réfugiés,… ? S’attaquer sérieusement aux problèmes d’insécurité et, singulièrement, de la justice dans son organisation et dans ses effets ? Remettre à leur place les religions et en fait surtout comprimer les débordements en matière d’islamisation de notre société ?...
Toutes ces réformes citées en vrac, évidemment de manière non exhaustive, n’ont que pour seul but de dessiner l’ampleur de la tâche colossale qui attend le futur président de la République et la majorité qui sortira des urnes. Avant de vouloir se présenter, les candidats ont-ils pris la mesure des défis à relever et s’en sentent-il capables ?
Trente ans après, puis-je avoir des raisons d’espérer ?
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 26 janvier 2016