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ALLIANCE REPUBLICAINE DE PROGRES

CONTRIBUTION AU DEBAT SUR LE PORT DU VOILE

24 Septembre 2011 , Rédigé par Patrick CLEMENT

La question du port du voile doit être abordée de manière plus large que celle du port du voile à l’école ou dans la fonction publique par exemple. Elle pose véritablement la question de la République et des valeurs que celle-ci représente.

Les réponses peuvent varier selon les pays. Elles doivent s’inscrire dans un projet de société, de citoyenneté, de civilisation qui nous rassemble.

La République française nous rassemble car elle s’appuie sur un contrat qui nous lie et qui repose sur une lente et parfois brutale évolution.

C’est un point d’équilibre. Comme tout point d’équilibre, il nécessite la volonté de chacun pour le préserver.

Temporel et spirituel sont au cœur de cet équilibre finalement car ils sont au cœur du questionnement de l’homme sur le sens de sa vie. Construire un parcours sur terre qui trouve sens dans la marche vers le progrès d’une société, garante des avancées pour chacune des générations qui suit. Ou bien, et c’est la clé de l’équilibre, remettre son passage sur terre sous le signe d’un destin qui se poursuit au-delà de la mort.

Le point d’équilibre est de permettre aux uns et aux autres d’établir des règles de vie communes qui, par essence, peuvent s’opposer. La ligne d’horizon diffère radicalement, car en effet, ceux qui portent leur regard au-delà du cadre temporel pourraient considérer qu’ils n’ont de compte à rendre qu’à Dieu. Et nos sociétés contemporaines ont effectivement été confrontées à ce dilemme et peuvent, demain, l’être à nouveau si ce point d’équilibre venait à disparaître. L’homme s’arroge le droit de parler au nom de Dieu et de fixer des règles de vie en son nom, fort de la croyance de ceux qui croient en Dieu.

Parce que la République a su incorporer les valeurs chrétiennes, qui en constituent sa préhistoire en quelque sorte, un point d’équilibre a été trouvé. Qui ne comprend pas la fragilité de cette situation a mal évalué la nature composite de l’homme, immergé dans un océan où bien et mal en sont les composants premiers qui se mélangent ou coexistent en se mélangeant plus ou moins.

La question qui nous est donc posée est bien celle-ci. Voulons-nous conserver ce point d’équilibre ou acceptons-nous de le voir fragilisé au risque de le voir disparaître à plus ou moins court terme ?

Il ne faut pas se tromper de débat et, pour ma part, je pense même de combat car nous n’évoluons pas dans un monde parfait, chaque jour vient nous le rappeler cruellement. Souvenons-nous aussi des temps passés.

Alors, oui, bien sûr, le dialogue est nécessaire, mais qui a dit que la loi était exclusive du dialogue. La loi est bien souvent le prélude au dialogue, elle vient codifier les conditions du dialogue. Et sans rentrer dans des considérations de droit constitutionnel, la loi s’édicte sous la condition de respecter ce qu’il est convenu d’appeler en fait, selon moi, la Loi fondamentale (constitution, déclaration des droits de l’homme de 1789,…pour la France, sachant que le terme loi fondamentale revêt des acceptions différentes selon les pays). Et n’oublions pas l’époque, finalement pas si lointaine au regard de l’histoire, où la loi divine occupait une place encore supérieure dans la société des hommes.

Et que doit nous dire la loi ? Dans ce cas d’espèce, la loi doit venir renforcer le point d’équilibre évoqué plus haut. Elle doit clairement poser et donner les moyens de défendre les règles qui permettent aux uns et aux autres de coexister quelle que soit leur ligne d’horizon personnelle.

Alors oui, il faut une loi lorsque l’on se rend compte que ce point d’équilibre peut-être battu en brèche au gré des positions prises par les uns et les autres selon les circonstances. Quel autre moyen sinon pour parvenir au résultat escompté ?

Mais pour que la loi soit une porte ouverte sur le dialogue, il faut que l’exposé des motifs soit à même de mettre en valeur la profondeur des motivations d’un tel débat. Une loi courte mais une explication détaillée en quelque sorte, telle devrait être l’ambition du législateur en ce domaine.

En l’occurrence, la loi doit venir rappeler ces principes de vie commune qui fondent notre République et qui sont le fruit encore une fois d’une longue aventure parsemée de bien des obstacles.
Céder sur le voile, c’est en fait céder sur le respect de ces valeurs communes. Et le meilleur moyen de s’en rendre compte, c’est de se poser la question de savoir ce qui empêcherait alors, dans le cas contraire, d’aller toujours plus loin dans cette dérive. Le raisonnement autoriserait de faire d’une entorse un gouffre dès demain. Il n’est pas besoin de rappeler les signes annonciateurs, séparation imposée des filles et des garçons, refus de suivre certains cours,…. En extrapolant, pourquoi ne pas céder devant d’autres formes de communautarisme, bigamie, excision des filles, mariage forcé,… Le raisonnement engagé en un point donné peut ne jamais s’arrêter.

Le phénomène du communautarisme que nous avons le devoir d’encadrer pour le dissoudre dans les règles communes républicaines, serait sinon en mesure d’empêcher ensuite toute liberté réelle de choix.

Car c’est la question fondamentale. Où sera finalement la liberté de choix dans un contexte communautariste exacerbé. Et je veux être ici encore plus clair pour ne pas donner le sentiment de fuir nos responsabilités. Si, en effet, dans la logique d’évolution de la civilisation, je partage philosophiquement l’idée d’une ouverture de notre pays à des hommes et des femmes dont le bon sens suffit à rappeler qu’ils ne sont pas naturellement et immédiatement semblables de par leur couleur de peau ou leur modes de vie à notre peuple tel qu’il est issu des siècles passés (et c’est un choix qui est tout à notre honneur car, que je sache, l’inverse provoquerait peut-être des troubles très rapidement dans ces pays d’origine), je suis persuadé qu’il faut savoir donner du temps à ce qui peut être considéré comme une évolution immuable de notre civilisation mais qui doit l’être en préservant les chances d’assurer une coexistence pacifique et harmonieuse, et à terme une osmose totale.

En conclusion, il faut une loi, non pas pour traiter le problème du port du voile à l’école (à distinguer des signes religieux qui n’expriment pas une soumission de la femme) mais, de manière symbolique et forte, pour rappeler toute la force des valeurs qui fondent notre République, le fameux pacte républicain. Ce point d’équilibre, il nous faut le préserver coûte que coûte.

Ayons clairement en tête ces enjeux pour permettre à ce débat d’aboutir à une solution courageuse.

Et dialogue il y aura nécessairement ensuite pour convaincre nos nouveaux concitoyens, au sens de l’histoire, que la spiritualité peut s’accommoder de modes de vie non soumis au désir des hommes qui prennent le loi de Dieu comme alibi pour asseoir leur propre pouvoir. Sans vouloir faire de provocation, Dieu reconnaîtra les siens, mais c’est à nous, ici bas, d’être les gardiens du progrès de notre civilisation.

Car finalement, pourquoi ne pas penser que ces chemins sont destinés à se croiser un jour pour se réunir. Dans cette attente, faisons en sorte que progrès et capacité d’absorption de ce progrès puissent se combiner en bonne intelligence avec spiritualité. Cette Equation de l’Evolution Equilibrée mérite toute notre vigilance et requiert toutes nos forces.

A nous dès aujourd’hui de construire une société ouverte où la spiritualité ait toute sa place. Croire en Dieu est une affaire trop intime et trop essentielle dans notre vie pour que l’on laisse les hommes l’imposer par la contrainte à d’autres hommes.

 

 

Patrick CLEMENT

Boulogne, le 1er novembre 2003

 

 

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