COMMENTAIRE DE L’ENCYCLIQUE « LAUDATO SI » (« LOUE SOIS-TU ») DU PAPE FRANCOIS
Humble citoyen du monde, je me permets donc d’apporter quelques commentaires personnels sur l’Encyclique « LAUDATO SI » que vient de faire connaître le pape François. J’ai conscience de passer pour bien présomptueux aux yeux de certains, notamment des lecteurs catholiques, mais je ne suis pas sûr que nos concitoyens prennent la peine de lire les 246 paragraphes qui nous sont livrés dans un texte qui me semble malgré tout un peu trop touffus, quelques fois répétitif et parfois non pas contradictoire dans ses affirmations successives mais avec des nuances notables. Il est clair que plusieurs plumes se sont penchées sur le berceau de cette Encyclique dont j’entrevois plus particulièrement deux parties distinctes, l’une avant le paragraphe 101 et l’autre après.
De manière générale, même si l’Encyclique est parsemée de citations provenant de contributeurs de tous les pays, il me semble que le style est bien celui de l’Amérique latine…, à la fois sur la forme, par ce côté moins structuré, et sur le fond, comme j’y reviendrai, avec une forte imprégnation de la théologie de la libération. Cela dit, ce style peut aussi être directement attribué au pape François qui en a dirigé la rédaction avec un engagement indiscutablement très personnel.
Avant de préciser l’objet de mes commentaires sur le fond, je tiens à rendre hommage à une voix qui s’élève pour nous faire prendre conscience de l’importance de l’écologie, voire même plutôt de l’organisation du monde sur le plan économique, social et environnemental afin de favoriser un développement durable (je préfère dire soutenable) de notre monde, pour la terre elle-même mais également pour les Hommes. Le pape François le fait avec une hauteur de vue qui grandit le débat même si je regrette que parfois quelques prises de position relèvent plus d’une vision idéale du monde que de la réalité portée par les Hommes, avec toutes leurs faiblesses. C’est tout à son honneur mais en incriminant par exemple dans une première partie l’insuffisance de l’action du monde politique et du monde économique, et en proposant des solutions relevant clairement pour certaines d’entre elles des thèses altermondialistes, je ne suis pas sûr qu’il rende parfaitement à César ce qui appartient à César.
En effet, il est bon de secouer les consciences mais il faut aussi savoir valoriser les actions engagées par le monde politique et le monde économique afin de préserver notre planète et d’œuvrer en faveur du bien être des gens, ce qui est fait un peu plus dans la deuxième partie de l’encyclique mais très peu dans la première partie qui se veut un texte quasi révolutionnaire, avec des accents marxistes parfois. On a vu malheureusement ce que pouvait produire la généralisation de systèmes collectivistes alors, si je suis d’accord pour pointer les faiblesses qui sont réelles de notre système capitaliste et reconnaître que des expériences locales de production collective méritent d’être saluées (coopératives,…), je préfère identifier les solutions globales pour améliorer le système capitaliste dans son ensemble et l’orienter vers un développement plus soutenable que de casser notre maison commune avec les dégâts que l’on connait dans cette hypothèse pour l’avoir déjà vécu en Union soviétique, en Chine, …
Je passe sur le fait que le pape François justifie longuement l’idée selon laquelle la vision chrétienne du monde s’inscrit dans une démarche respectueuse de la Nature, des Hommes et, plus particulièrement, des plus faibles, ce que l’on peut acter effectivement à travers les textes bibliques et les prises de position des derniers papes qui nous sont rappelés, contrairement à ce que prétend d’ailleurs Richard LENOIR (cf. interview sur France 2) considérant que le pape François et donc l’Eglise catholique innovent totalement par ces prises de positions écologiques contenues dans cette Encyclique. Et pour que la balance soit équilibrée puisque certains esprits de gauche louent cette encyclique comme apportant de l’eau à leur moulin…, il faut préciser que le pape François ne se prive pas de condamner de nouveau l’avortement, les expérimentations sur les embryons vivants, la théorie du genre,… Bref, la doctrine catholique reste un tout dont on ne peut pas se contenter de retirer que ce qui vous intéresse… Ce qui veut dire pour moi que l’Homme effectivement doit bien mesurer ses nouveaux pouvoirs et en user avec la conscience de leur impact sur sa propre conscience de ce que signifie son existence humaine et de ce que peut représenter fondamentalement la vie dans notre monde ainsi que de plus en plus dans l’univers.
Ce qui serait intéressant à mes yeux, c’est que cette Encyclique fasse l’objet d’une analyse par un groupe d’études composé notamment d’économistes pour mieux éclairer le pape et l’opinion publique sur les avancées technologiques qui ont permis de faire progresser notre monde en matière de protection de l’environnement, car il me semble que ces apports, qui sont certes rappelés, sont tout de même très largement sous-estimés dans son Encyclique. Ainsi, la croissance de la population mondiale n’a été rendue possible et ne l’est que grâce aux progrès considérables apportés aux quatre coins du monde dans le domaine de la médecine, de l’hygiène,.... De la misère il y a, bien évidemment, et elle doit nous interpeller encore et toujours, mais la mise en accusation brutale du système capitaliste avec un parti pris manifeste me parait excessif. Aux économistes de rétablir la balance par conséquent, ce qui ne veut pas dire encore une fois de fermer les yeux sur les défaillances actuelles, évidentes. Mais je le répète, il faut savoir saluer les efforts consentis parfois courageusement par le monde politique mais aussi par le monde économique. Alors, me direz-vous, le monde économique y cherche en fait sans doute son intérêt, son profit (!). C’est possible, et alors ?! Si c’est gagnant-gagnant, tant mieux. Et si des hommes politiques se font réélire grâce à la mise en œuvre de programmes ambitieux améliorant nos modes de production et nos modes de vie afin de les rendre plus respectueux de l’environnement notamment, c’est parfait.
Un grand débat doit avoir lieu car la remise en question de l’idéal d’un progrès technologique infini [« cela nous permet d’en finir aujourd’hui avec le mythe moderne d’un progrès matériel sans limite »- §78] contredit selon moi le fait que ce progrès ne relève en fait que d’une réalité mécanique consubstantielle à l’envie de découvrir – d’aller de l’avant – de l’Homme. Il faut cependant mentionner une forme de correctif apporté par le §191 [« … nous pouvons découvrir que la diversification d’une production plus innovante, et ce avec un moindre impact sur l’environnement peut être très rentable. Il s’agit d’ouvrir le chemin à différentes opportunités qui n’impliquent pas d’arrêter la créativité de l’Homme et son rêve de progrès, mais d’orienter cette énergie vers des voies nouvelles »]. Alors là, oui, tout à fait d’accord !
L’affirmation d’une décroissance des pays les plus développés [§191 « Mais nous devons nous convaincre que ralentir un rythme déterminé de production et de consommation peut donner lieu à d’autres formes de progrès et de développement »] - rappelons que la thèse de la décroissance soutenable..., c'était en 1972, après la Conférence de Stockholm, avec la création du Programme des nations unies pour l'environnement -, l’ambition de limiter la mécanisation pour donner plus de travail aux Hommes,… sont-elles les solutions pour autant compte tenu de ce qui vient d’être affirmé au paragraphe précédent ?
Toutes ces questions méritent un vrai débat équilibré et ne peuvent pas faire l’objet me semble-t-il d’affirmations péremptoires qui reprennent les thèses de certains sans se confronter aux thèses des autres. Notre monde n’est pas que le fruit d’un système – le système capitaliste en l’occurrence - il est aussi et surtout je pense la résultante de l’action humaine et donc de ses ressorts humains qui ne relèvent pas nécessairement, c’est évident, d’une sagesse parfaite. Il est certes primordial que des voix s’élèvent – religieux, philosophes,…- pour rappeler ce que devrait être le sens de notre vie qui ne doit pas en particulier se limiter à de simples considérations matérielles de vie, mais il faut également se méfier de prôner un idéal inaccessible, à court voire moyen terme en tout cas, car il peut nous entraîner tous vers des catastrophes comme celles vécues en particulier au XXième siècle. Et il nous faut éviter d’inventer de nouvelles structures internationales. Concentrons-nous sur l’amélioration de celles qui existent déjà (ONU,…) et renforçons leurs pouvoirs si nécessaire pour autant que la souveraineté des Nations soit respectée car c’est en avançant tous ensemble que nous réussirons et non par la contrainte, je crois. Ce qui n’empêche pas de bousculer les choses autant que de besoin.
Je suis touché par l’élévation d’esprit du pape François mais je maintiens que, par essence, son raisonnement reste enfermé dans un postulat de départ – ou des postulats – contenus dans la doctrine de l’Eglise, comme je l’avais fait remarquer pour les livres de Benoît XVI se prononçant notamment sur les apports de l’exégèse biblique. Je veux dire par là qu’en imposant un cadre « rigide » à votre capacité de raisonnement, vous vous empêchez par définition de porter votre réflexion au-delà. Loin de moi l’idée de vouloir comparer la doctrine de l’Eglise à mon humble essai sur « Les Sens de la Vie », mais j’ai le sentiment que le Progrès tel que je l’ai défini, c’est à dire portant l’Homme vers la recherche de vérité qui l’emmènera un jour vers la compréhension du Sens de la vie, en projection, ne rencontre pas de limite. Ce qui ne veut aucunement dire que ce Progrès ne doive pas s’accompagner d’un progrès de la conscience de l’Homme et de ses conditions de vie, comme je m’en explique également dans cet essai. J’ai d’ailleurs le sentiment que nous nous rejoignons dans les conclusions même si les « modalités » pour y parvenir ne sont pas les mêmes…
En fait, je crois que la principale différence entre l’analyse du pape François et la mienne (désolé de cette affirmation qui passera pour de l’orgueil démesuré aux yeux de certains) réside dans le fait que j’inscris ma réflexion au cœur de l’Univers sans la centrer sur la terre. Car pour moi, la vérité relative au Sens de la Vie s’inscrit dans la compréhension de l’Univers et donc de son exploration, et pas seulement en se limitant à notre terre. Mais attention, j’adhère évidemment à cette ambition de préserver notre monde pour assurer en particulier un développement harmonieux de l’homme, lequel développement doit justement assurer les conditions de notre capacité à poursuivre notre quête de vérité dans la compréhension du phénomène de la vie ici et ailleurs, et même physiquement ou non. Je vous renvoie aux pages de mon essai « Les Sens de la Vie » publié sur mon site (www.alliance-republicaine-de-progres.com).
En mot de la fin, je tiens à redire l’importance d’une telle contribution au débat qui dépasse de loin la seule dimension écologique stricto sensu pour nous emmener vers une réflexion sur le sens de notre vie et de l’organisation matérielle de notre vie en considération du sens qui aura été ainsi défini. Que le pape François veuille bien me pardonner ce qui pourra apparaître comme un manque d’humilité – qu’il appelle pourtant de ses vœux – mais qu’il soit persuadé que ces commentaires ne traduisent très sincèrement que mon souhait d’animer ce beau débat. J’encourage d’ailleurs mes lecteurs à lire l’Encyclique dans son ensemble, laquelle contient évidemment bien plus que ce que je me suis contenté de commenter pour des raisons de contrainte de format liées à une publication sur un site.
Et je souligne avec une grande satisfaction ce qui pour moi est une première je crois, à savoir les deux prières proposées en fin d’Encyclique par le pape François, l’une pour ceux qui croient en Dieu et l’autre spécifiquement pour les Chrétiens. On aurait même pu en rajouter une troisième pour ceux qui ne croient pas en Dieu mais croient tout simplement en l’Homme, et à notre terre.
Que vive le débat !
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 25 juin 2015