LE DEBAT SUR LA FIN DE VIE : UN BON DEBUT !
Oui, je sais, avec ce titre, je fais un peu d’humour noir (au fait, peut-on encore parler d’humour « noir » ?) mais j’aime bien l’astuce des américains consistant à détendre l’atmosphère et à évacuer leur stress en commençant leurs exposés par un trait d’humour.
J’ai hésité à reprendre la parole sur ce thème suite à mes articles traitant déjà du sujet, notamment le 22 juin dernier, compte tenu de mon positionnement inchangé, mais je crois qu’il faut de nouveau prendre position dans ce débat. En tout cas moi, sinon, pourquoi tenir un blog ?
Alors, j’irai droit au but : bravo à MM. Jean LEONETTI et Alain CLAEYS. Sur un tel sujet, saluons la méthode ! Réflexion, concertation et proposition visant non pas à diviser mais à rassembler. Mais Monsieur HOLLANDE, expliquez-nous pourquoi vous n’avez pas procédé de la sorte pour le mariage homosexuel ou bien pour le redécoupage territorial par exemple ? C’était si dur ? Ne pensez-vous pas que l’on perd un peu de temps avant mais que l’on peut en gagner beaucoup pendant et surtout après en évitant des allers-retours… ?
D’abord, félicitations pour cette idée simple, la prise en compte des directives anticipées dans la Carte Vitale, dont j’ai la faiblesse de rappeler que j’évoquais en la matière la nécessité d’un dispositif universel et simple dans mon précédent article. L’Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité, sollicitée sur l’idée de faire bénéficier les directives anticipées, actuellement valables trois ans, d’une clause de reconduction tacite était d’ailleurs restée muette… Evidemment, M. ROMERO, président de cette association dont il a fait son cheval de bataille personnel, préfère jouer la surenchère, ce qui est plus médiatique et le met plus en avant. Il faudra lui rappeler un jour qui l’a fait Roi !
Donc, bravo ! Demain, il sera loisible à chacun de faire connaître sa position inscrite dans sa carte Vitale, voire même de l’expliciter ce qui permettra au personnel médical de mieux appréhender la pensée du patient pour autant qu’il soit dans l’incapacité de s’exprimer. Alors, rien que pour cela, il fallait une nouvelle loi, oui. Vous voyez que ce n’est pas si dur d’être intelligents…
Quant à la sédation en phase terminale, d’aucuns expliquent que la loi LEONETTI le permettait déjà mais, là, permettez-moi de m’insurger. On ne peut pas reprocher aux élus leur lâcheté, avérée sur certains sujets, et ne pas applaudir lorsque ceux-ci prennent leurs responsabilités. Le personnel médical saura mieux à quoi s’en tenir concernant sa marge de manœuvre. Ne me dîtes pas que cela ne va pas dans le bon sens. Et les juges également s’ils sont saisis…
Alors, fallait-il aller plus loin ? Je ne le pense pas quoi que... Le débat parlementaire permettra à chacun de s’exprimer et de voir si de nouvelles évolutions seraient possibles. Mais prenons garde à ne pas aller trop vite dans ce domaine. Donnons-nous le temps d’évaluer déjà ces évolutions. Il est certain que les cas prévus dans la proposition de loi pour autoriser la sédation sont très limitatifs et ne s’appliquent pas, par exemple, à des personnes âgées qui, sans être atteintes d’une maladie grave et incurable, et sans être proches de la mort d’ici quelques jours, sont dans un état tel que leur vie peut être considérée comme artificiellement prolongée. Il faudra y réfléchir. C’est délicat car cela relève d’un champ d’interprétation plus vaste et donc sujet à discussion.
Personnellement, je le dis clairement, lorsque mon corps et/ou mon esprit ne répondront plus présents au sens où l’on peut considérer qu’une vie est encore une « vraie vie », alors, je préfère passer de l’autre côté… La vie doit être respectée quand il s’agit d’une « vraie vie ». Je sais bien que la discussion sera plus délicate et qu’il faudra bien encadrer cette future évolution pour éviter d’éventuels abus ou pire. Mais, avec les progrès de la science, nous devons commencer à y réfléchir très sérieusement. Pour être caricatural, imaginons que l’on puisse maintenir en vie un vieillard jusqu’à 200 ans, disons moi, un jour, pour ne pas heurter et être trop théorique. Alors, s’il s’agit de maintenir un pauvre être qui n’attend plus rien de la vie dans des conditions telles que l’on ne rentre plus dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler une vie, je crois qu’il faudrait lui donner la possibilité de mettre fin à ce prolongement de vie, possible mais vain. Et vous l’avez compris, cet exemple extrême, aujourd’hui d’ailleurs mais pas demain…, oblige à la réflexion.
Au nom de la religion, certains me diront que Dieu donne la vie et Dieu la reprend. D’abord Dieu ne nous dit rien de tout cela. Il ne nous a pas envoyé un manuel de survie avec tous les cas de figure. Si l’on se place sur ce terrain-là, j’avais cru comprendre qu’il faisait appel à notre liberté pour conduire notre vie. Alors, il faut certes écouter et entendre tout le monde, sachant que personne n’a une autorité supérieure à celle des autres dans un débat démocratique au sein de notre belle République. Nous savons tous que la nature humaine est diverse, allant du bien au mal, quelles que soient les idées philosophiques ou religieuses des uns et des autres, francs-maçons compris d’ailleurs. Personne ne détient de manière immanente la vérité.
Cette vie que nous avons le pouvoir, grâce à la science, de prolonger au-delà de son terme normal, nous devons désormais prendre la responsabilité de dire à partir de quand nous allons trop loin.
Et pour ceux qui préfèrent engager le débat sur la base des principes, ce qui est nécessaire mais pas suffisant, je leur conseillerais de visiter des établissements dédiés aux personnes âgées pour mesurer la réalité des choses autrement que par la pensée…
En conclusion, pour autant que je puisse conclure, mais je peux tout de même conclure mon propos, la proposition de loi va dans le bon sens. Il conviendrait cependant selon moi, non pas d’aller forcément plus loin tout de suite, mais sans doute de poser les termes du débat que je viens d’évoquer afin que, là également, la réflexion et la concertation puissent faciliter l’identification d’une position partagée, à présenter d’ici un an par exemple dans une nouvelle proposition de loi.
Le Droit à mourir dans la dignité, qui concerne chaque individu, pris individuellement si j’ose dire, et sans implication pour un autre être comme par exemple un enfant…, est un vrai Droit que doit aménager l’Etat pour éviter d’autres voies individuelles plus hasardeuses. Il faut prendre la réalité telle qu’elle est et assumer les évolutions qui s’imposent à nous, voire que nous faisons naître.
A suivre donc…
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 13 décembre 2014