EUTHANASIE : MAIS DE QUOI PARLE-T-ON ?
561 000 décès ont été recensés en France métropolitaine en 2013 (source INSEE).
Voici le résumé, ci-dessous, de l’enquête sur la fin de vie en France de l’INED (détaillée dans « Population et sociétés » de novembre 2012 [enquête sur un « échantillon » de 14 999 décès provenant des 47 872 décès de personnes âgées de 18 ans et plus, survenus en décembre 2009 – 40% des médecins sollicités ont répondu ce qui correspond à la moyenne pour ce genre d’études, représentant donc au final 4 723 décès étudiés]), parue en 2010 :
RESUME : « En France, près de la moitié des décès (48 % en 2010) a été précédée d’une décision médicale ayant pu hâter la mort du patient. Mais des médicaments ont été donnés pour mettre délibérément fin à la vie dans seulement moins de 1 % des cas [cas véritables d’euthanasie : 0,6% précisément selon l’enquête ; principalement pour des malades atteints d’un cancer. NDA]. Les décisions prises s’appuient dans leur grande majorité sur les dispositions de la loi Leonetti qui permet sous certaines conditions de limiter ou d’arrêter un traitement, ou d’administrer des médicaments afin de soulager les souffrances du patient, qui peuvent avoir pour effet d’avancer la survenue de la mort. Toutefois, les prescriptions légales encadrant ces décisions ne sont pas encore totalement connues ou respectées : les décisions de fin de vie ne sont pas toujours discutées avec les patients et les équipes soignantes ; la rédaction par les patients de directives anticipées, proposée par la loi Leonetti pour que les soignants prennent en compte leurs souhaits, reste en pratique très rare. »
Nous parlons donc d’environ 3 500 cas d’euthanasie par an (évalués en 2010) sur les 561 000 décès mentionnés ci-dessus (en 2013).
Il faut par ailleurs rappeler que la moyenne de l’espérance de vie en 2013 était, pour les femmes, de 85 ans, et pour les hommes, de 78,7 ans (source INED). Elle était en 1913, respectivement, de 52,4 ans, et de 48,5 ans (source INSEE), soit trente ans d’espérance de vie gagnés ! Sans oublier de préciser que les formidables progrès de la médecine, notamment, contribuent effectivement à prolonger notre vie de manière spectaculaire. Mais dans quelles conditions ?
Voilà les termes du débat qu’il est essentiel de resituer dans son contexte pour éviter des prises de position quasi idéologiques.
Alors, oui, je le redis, comme je l’avais affirmé dans un précédent article paru sur mon blog du 25 août 2012 (« La fin de vie ou «la balade de Narayama »), nous devons avoir une approche pragmatique sur cette question. A quel moment la vie, que l’homme lui-même, grâce aux progrès de la science, peut prolonger, ne mérite plus d’être en quelque sorte artificiellement maintenue ?
Pourrions-nous s’il vous plait engager le débat sur ce terrain-là et non sur des prises de position caricaturales selon moi ? Schématiquement, « Nous avons le droit de faire ce que nous voulons de notre vie » ou bien « Personne n’a le droit de décider si quelqu’un doit mourir ».
La question est bien celle posée dans le cadre de la loi Leonetti : comment prendre en compte la possibilité de faire cesser une vie qui doit sa prolongation aux nouvelles avancées médicales relevant de l’homme ? L’étude précitée montre bien les champs de réflexion pour améliorer le dispositif existant. Les données statistiques, même si je ne résume évidemment pas la réflexion à cette approche, doivent nous permettre de mesurer la réalité du nombre de vies humaines réellement concernées. Enfin, justement, nous ne parlons pas d’objets mais d’êtres humains et il nous faut rappeler que nous devons porter notre attention sur la réalité des conditions dans lesquelles vivent ces hommes et ces femmes touchées par cette délicate question.
Et pour me prononcer sur les cas d’actualité qui nous préoccupent, je dirais : Non, le docteur BONNEMAISON ne peut pas agir tout seul, sans concertation, surtout que la loi Leonetti existe depuis 2005 ! Mais oui, dans le cas LAMBERT, si la concertation ne permet pas à un homme de ne plus vivre dans un état physique qu’il a lui-même rejeté clairement avant son accident, alors les juges doivent pouvoir avoir le dernier mot. Et ce sera, je pense, une manière d’inciter la famille proche à trouver par le dialogue la meilleure solution dans ce cas de figure. Une mère, ou un père, n’est pas propriétaire de son enfant surtout quand il s’agit d’un homme qui était en plein force de l’âge. Et c’est un père qui parle, non un débatteur englué dans des arguments théoriques, même si je comprends évidemment la douleur que peut représenter l’accord donné pour mettre fin à la vie d’un être aussi cher.
Enfin, je voudrais rappeler une proposition que j’avais transmise à l’AMD (Association pour le droit de Mourir dans la Dignité), sans avoir de réponse : les directives anticipées, valables trois ans, devraient bénéficier d’une clause de reconduction tacite. Ne peut-on pas faciliter la vie de ceux qui veulent faire connaître leur point de vue, sans qu’ils aient pour cela besoin d’adhérer tous les ans à une association…?
Voilà les éléments que je voulais rappeler, rapidement j’en conviens, en matière de fin de vie.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 22 juin 2014