EMMANUEL MACRON EST CONFRONTE A UNE FAILLE DE NOS INSTITUTIONS !
Emmanuel MACRON dispose donc désormais d’un gouvernement à sa main ; subtil équilibre pour récompenser les uns et les autres, et faire une place à « la société civile ».
Cet engouement pour « la société civile » appelle deux remarques de ma part. Tout d’abord, j’ai toujours considéré que l’entrée en politique consistait à représenter les citoyens et donc « la société civile ». Par conséquent, je trouve un peu curieux ce besoin de faire appel à « la société civile » ! A moins de devoir reconnaître que les élus ne représentent plus effectivement les citoyens dans leurs diversités professionnelles, voire leur diversité tout court. La question est bien de savoir notamment si un ministre doit être ou bien une femme ou un homme politique, ou bien une personne issue de « la société civile », plus « technicien » a priori que politique. Dans ce dernier cas de figure, ce nouveau ministre va devoir apprendre finalement à faire de la politique pour porter les messages du gouvernement, c’est-à-dire pour mettre en valeur la politique menée par ce gouvernement. Ne vaudrait-il pas mieux justement que ce rôle revienne à quelqu’un qui est rompu à ce genre d’exercice délicat ? Par ailleurs, si l’Ecole Nationale d’Administration a été créée, c’était bien pour donner aux ministres et à leurs administrations un personnel compétent sur le plan technique et maîtrisant bien les procédures administratives, dans toutes leurs composantes, y compris dans le cadre de l’élaboration de la loi et de son application, voire dans son contrôle. Au fond, la question récurrente de la diversité des origines professionnelles des femmes et des hommes politiques (en faisant abstraction d’autres critères qui selon moi n’ont pas à rentrer directement en ligne de compte…) est la vraie question et c’est celle-là qu’il faudrait traiter à la source, au niveau des partis donc. Cette intrusion de représentants de « la société civile » à des postes politiques, pour diriger un ministère, peut donc être comprise comme une réponse partielle mais selon moi provisoire, ce qui ne veut pas dire fermer la porte à toute personne provenant de « la société civile » mais il me semble que présenter le gouvernement comme étant le reflet d’une parité entre des ministres politiques et des ministres issus de « la société civile » trouve vite ses limites. D’ailleurs, ce raisonnement s’applique également aux candidats aux législatives, avec la même réponse de capacité à renouveler régulièrement les candidats issus des partis politiques.
Au-delà de cette réflexion qui ne s’inscrit pas dans l’air du temps, j’en suis navré, je serai bref concernant la composition en elle-même de ce gouvernement dans sa globalité car, je viens de le dire, il est un reflet de l’équilibre que s’était fixé lui-même Emmanuel MACRON. La perfection n’étant pas de monde, il est toujours possible d’en dénoncer tel ou tel aspect ce qui sera certainement le cas dans les jours ou semaines à venir, mais je m’attacherai plus à tenter une réflexion consécutive à l’entrée de ministres issus des « Républicains » dans ce gouvernement.
Je vous rassure, je ne vais pas m’étendre sur la dimension « débauchage personnel » de ces nouveaux venus puisque comme je l’ai déjà expliqué, je considère qu’il faut (aurait fallu) attendre le résultat des élections législatives pour connaître le véritable choix des français, choix qui n’a pas pu s’exprimer de manière claire lors du second tour des élections présidentielles pour les raisons que chacun connait (choix par défaut encouragé par tous les partis politiques, directement ou indirectement, afin d’empêcher Marine LE PEN d’être élue). Avant d’en venir au point qui justifie cet article, je voudrais dire une nouvelle fois que la qualité de haut fonctionnaire, d’énarque en fait principalement, brouille l’engagement de l’homme politique qu’il devient. Pour une raison simple selon moi. Un haut fonctionnaire s’est engagé dans cette voie, la fonction publique, car il souhaitait servir la France, en principe de manière neutre. Ainsi, Bruno LE MAIRE est l’expression parfaite de cette ambiguïté puisque, finalement, comme il vient de le montrer en abandonnant son parti politique, ce qui lui importe le plus, c’est de servir la France, y compris en rejoignant celui qu’il « combattait » sur le plan électoral quelques jours plus tôt. « So what », diraient les américains. Oui, c’est vrai, il serait difficile d’interdire aux hauts fonctionnaires de faire de la politique. Il est possible de leur demander de démissionner, mais leur personnalité profonde demeurerait, à savoir qu’au-delà de leurs convictions politiques affichées, c’est plutôt leur aspiration à servir leur pays qui l’emporte, indépendamment des étiquettes politiques. Encore une fois, la question est délicate car c’est plutôt une noble pensée qui les inspire (si on accepte de faire abstraction de leur ambition personnelle moins glorieuse… ou de contingences plus matérielles…) mais que dire aux français qui attendent de leur représentants politiques qu’ils les défendent et soient fidèles à leurs engagements contractés par conséquent à travers tel ou tel parti politique. Vaste débat, mais un vrai débat.
Mais venons-en au sujet du jour. Je me suis toujours fixé une règle dans la vie et j’essaie de m’y tenir. Si le débat est primordial pour moi, c’est parce qu’il permet de confronter les points de vue et donc de s’assurer que son raisonnement est le bon et intègre bien toutes les dimensions du sujet traité. Par ailleurs, cela permet souvent sur des sujets concrets d’avoir finalement la possibilité de pouvoir se mettre à la place de son interlocuteur ou de ceux qu’il représente. Et c’est essentiel pour bien mesurer toutes les facettes d’un sujet en discussion. Cela n’est bien entendu pas suffisant puisqu’il s’agit aussi de dépasser cette logique de réalité personnelle pour l’inclure dans un ensemble plus vaste qui est celui de la société. Car c’est aussi à l’aune des conséquences pour la société que l’on peut évaluer une démarche ou des intérêts plus personnels. Pour replonger dans l’actualité politique, je me suis donc mis à la place d’Emmanuel MACRON !
La configuration politique est tout à fait particulière puisque nous savons que « La République en marche » est un mouvement récent et, qui plus est, censé dépasser les clivages partisans habituels de Droite et de Gauche. Par contre, force est de reconnaître que cela brouille les cartes en termes de visibilité politique concernant une éventuelle majorité politique à l’Assemblée Nationale. Bien plus en tout cas que dans le cadre traditionnel d’un Président issu d’un parti politique existant. Bon, tout cela, je l’ai déjà dit. Mais, j’avoue ne pas avoir été complet en omettant de me mettre à la place d’Emmanuel MACRON. Comment constituer un gouvernement dans ces conditions ? Ne pouvant attendre le résultat des élections législatives et devant être en phase avec son message principal « Et droite, et gauche », ou « Ni droite, ni gauche », la seule façon de s’y prendre, c’est bien de composer un gouvernement provisoire à l’image de ce modèle. Et par conséquent de débaucher des élus de Droite, entre autre.
Peut-on se satisfaire de cette situation ? Pour ma part, je réponds non. Le spectacle de ces élus de Droite qui, aux yeux des français, renient leurs convictions est choquant et peut avoir des conséquences désastreuses sur les comportements. En effet, sur le plan électoral, cela peut conduire à de la résignation (abstention massive,…) mais cela peut aussi conduire à de la révolte qui se traduirait alors dans les urnes en votant pour ceux qui représentent le mieux selon eux cette révolte, et hors du cadre électoral, cela peut aller jusqu’à de la révolte exprimée directement dans la rue.
Existe-t-il une solution ? Oui, je le crois. Et je vous la soumets. Finalement, entre l’entrée en fonction du Président de la République et le second tour des élections législatives, il s’écoule un mois. Tout le monde sait bien qu’à partir de la période officielle de la campagne électorale précédant les élections présidentielles, et même avant, les ministères s’occupent plutôt d’expédier les affaires courantes. Deux possibilités s’offrent à nous. Soit le Président de la République prend effectivement ses fonctions immédiatement, comme c’est le cas actuellement, mais sans pouvoir constituer un gouvernement avant le résultat des élections législatives, sauf cas d’urgence, soit il prend ses fonctions à l’issue du second tour des élections législatives, et constitue alors son gouvernement.
Dans la première hypothèse, l’avantage est de marquer fortement la prééminence de l’élection présidentielle sur les élections législatives. Cela permet bien d’éviter de constituer un gouvernement qui pourrait ne durer qu’un mois en cas de victoire d’un autre parti politique que celui dont il est issu. Comme cela a souvent été répété, l’Europe nous regarde, et même le monde. Quelle image renverrait la France avec le spectacle d’un gouvernement nommé un mois plus tôt par le président de la République, obligé de démissionner pour être remplacé par un gouvernement dirigé par un nouveau premier ministre disposant d’une légitimité à l’Assemblée Nationale ? L’expédition des affaires courantes se ferait par les ministres en place, et leur cabinet, appuyés évidemment par la haute administration.
Soit l’installation du Président de la République est repoussée après le second tour des élections législatives afin de lui permettre de nommer le Premier Ministre de son choix s’il dispose bien d’une majorité à l’Assemblée Nationale, ou le Ministre incarnant la majorité sortie des urnes, ou… un Premier Ministre susceptible d’obtenir la confiance de l’Assemblée Nationale en cas d’absence de majorité avec une composition du gouvernement reflétant les forces politiques en présence qui accepteraient un accord de gouvernement.
A ceux qui trouveraient cette proposition saugrenue, je rappellerai que les Etats-Unis appliquent un système qui peut nous inspirer puisque l’investiture du Président intervient deux mois après son élection, comme nous avons pu le constater une nouvelle fois très récemment avec, pour le première fois à ma connaissance, un suivi médiatique intense de cette transition… pour les raisons que l’on connait mais pas seulement puisque l’actualité politique américaine fait désormais l’objet d’une attention spéciale de la part de nos médias, même si l’actualité politique d’autres puissances sont aussi très exposées mais dans une moindre mesure me semble-t-il. D’autres pays pourraient certainement être pris en exemple, si besoin était.
En tout cas, je lance l’idée. Elle aurait le mérite d’éviter ce spectacle affligeant de débauchage politique que tout observateur honnête et impartial devrait dénoncer en tant que citoyen. Je crois que cela redonnerait de la dignité au Président de la République qui éviterait de s’adonner à de telles pratiques et cela nous éviterait de désespérer les français par l’étalage des faiblesses humaines que nous connaissons bien mais sur lesquelles il n’est pas besoin de braquer les projecteurs.
Patrick CLEMENT
Boulogne, le 19 mai 2017